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[Luxembourg 2005 Présidence du Conseil de l'Union européenne]
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Discours
Discours de Jean-Claude Juncker lors de la 7e conférence régionale européenne de l'Organisation internationale du travail

Date du discours : 15-02-2005

Lieu : Budapest

Orateur : Jean-Claude Juncker

Domaine politique : Emploi, politique sociale, santé, consommation


Seul le discours prononcé fait foi

Messieurs le Président, le Directeur Général,

mes chers collègues Premiers Ministres,

Mesdames, Messieurs,


C'est avec, oui, un énorme plaisir que je me présente devant vous ce matin. D'une façon à ce qui paraît inaudible déjà hier soir, j'avais dit que j’avais pratiqué pendant au moins 17 ans l'Organisation internationale du travail en tant que ministre du Travail, métier politique des plus nobles. Et donc je suis heureux de vous retrouver, et de retrouver une brochette impressionnante de vieilles connaissances : anciens ministres du Travail comme Philippe Séguin, des dirigeants syndicaux, qui sont toujours les mêmes, des représentants du monde patronal. Les remplacements à la tête du patronat européen se font avec insuffisamment de flexibilité, puisque ce sont toujours les mêmes. Et ça prouve à l'évidence que ceux qui, sur leur parcours, ont fait la connaissance intime de l'Organisation internationale du travail aiment lui rester fidèle. Cette permanence dans les structures dirigeantes est un signe de loyauté qui fait honneur à l’OIT et qui fait honneur à ceux qui l'assurent.

Je voudrais aujourd'hui, alors que nous venons d'inaugurer la 7e conférence régionale, dire combien mon gouvernement a été honoré par le fait qu’on ait fait appel à lui pour co-organiser cette réunion, pour prendre en charge une partie du fardeau moral qui, pour rendre plus attirante la tâche, fut accompagné d’un concours financier qui permet à cette conférence de pouvoir avoir lieu dans de bonnes conditions. Je voudrais ici rendre hommage à notre directeur général, qui conduit avec élégance et habileté notre organisation et qui a su donner à l'organisation un rayonnement qu'elle peinait parfois à avoir au cours de son histoire. Avoir cette conférence régionale en Hongrie, à Budapest, est un signe qui marque les changements qui sont intervenus en Europe depuis 1989.

Nous retrouver comme ça, très normalement, d'une façon très évidente, nous tous qui sommes l'Europe, à Budapest, passe aujourd'hui presque inaperçu tellement nos jugements sur l'histoire sont devenus hâtifs et superficiels. Une réunion de ce type était strictement inimaginable il y a 15 ans. Alors, au lieu de nous plaindre des temps qui courent et des difficultés du moment, parfois faudrait-il que nous nous réjouissions de la tournure que l'histoire européenne récente a prise. Moi, de toute façon, je suis heureux d'être ici et de pouvoir dire que grâce au talent des hommes, grâce à l'énergie des peuples, nous avons été à même, en Europe, de mettre fin à ce funeste décret de l'histoire qui semblait vouloir nous séparer à tout jamais. Aujourd'hui, nous nous sommes réunis et nous le sommes dans le cadre de la 7e conférence régionale.

À regarder tous ceux qui sont ici, je dois dire qu’en dépit de la joie qu'on peut ressentir, que nous sommes une assemblée compliquée. Voilà 25 États membres de l'Union européenne qui partagent les mêmes ambitions sur un même parcours vers un monde – je l'espère – meilleur. Ces 25 États membres peuvent être subdivisés en deux groupes, subdivision que pour le reste je récuse, les 15 anciens États membres et les 10 nouveaux États membres. Moi, je n'aime pas trop cette division entre anciens et nouveaux. Nous sommes tous 25 États membres ayant la même dignité et partageant la même ambition. Je veux aujourd'hui parler des 10 États qui le 1er mai 2004 sont venus nous rejoindre, parce que nous sommes en Hongrie et que je voudrais ici, en Hongrie, rendre hommage à ces pays, étant passés d'une économie administrée à une économie libre et sociale de marché. Je voudrais rendre ici hommage à ces peuples de l'Europe centrale et de l'Europe de l'Est qui ont su ajuster leur économie, leur structure sociale, au moment tel qu’ils l'ont trouvé. A comparer la ferveur de réforme qui caractérise les pays de l'Europe centrale aux fatigues multiples qui sont celles de la vieille Europe, comme dirait l'autre qui ne fut pas Européen, je suis admiratif devant les performances des peuples de l'Europe centrale. Il y a donc les 25 États membres de l'Union européenne, il y a les pays de la Communauté des États indépendants qu'en Europe occidentale, parce que nous aimons simplifier à outrance les choses, nous appelons les anciennes républiques soviétiques, et il y a tous les pays qui font partie du pacte européen de stabilité, notamment les pays des Balkans que je voudrais tout particulièrement saluer ici parmi nous pour leur dire que nous espérons que, grâce à la perspective européenne qui est la leur, qu’ils nous rejoindront un jour au sein de l'Union européenne pour qu'enfin nous puissions constituer cette grande famille européenne à laquelle nous aspirons tous.

Je disais que j'aime ces réunions régionales de l’OIT et que j'aime l'Organisation internationale du travail pour autant qu'on puisse aimer une organisation, elles ne sont pas toujours très sexy, donc on ne tombe pas facilement amoureux d'une organisation internationale, mais j'aime l’OIT pour le message qu'elle ne cesse de porter. Nous vivons à une époque qui déteste les règles, qui a horreur des normes. Nous vivons à une époque du chacun-pour-soi et nous courons le risque de devenir partout en Europe des sociétés égoïstes qui n'ont plus le souci de l'autre. Voilà l'Organisation internationale du travail, archaïque et très moderne, qui met tout son honneur à garder toute sa puissance à la norme internationale, qui est une norme de droit. Je voudrais rendre hommage à l'Organisation internationale du travail pour avoir su maintenir en forme, si j'ose dire, la puissance normative qui fut toujours la sienne.

Nous parlons dans notre partie de l'Europe très souvent et allègrement, sans y réfléchir vraiment, du modèle social européen. À vrai dire, l'Organisation internationale du travail avait inventé et maintenu en vie le modèle social européen bien avant que l'Union européenne ne réclame la propriété de ce titre. L'Organisation internationale du travail qui se caractérise par sa composition tripartite, par l'importance qu'elle accorde au dialogue social, par le souci constant qui est le sien d'organiser l'intersection entre les gouvernements, le monde du travail et le monde des employeurs. Marcher ensemble, cette idée de ne pas se livrer des luttes intestinales, mais de se mettre d'accord sur l'essentiel, voilà ce qui caractérise la démarche de l'Organisation internationale du travail. Et en cela, elle pourrait servir de modèle à tous ceux qui en Europe et à travers le monde essaient de mieux organiser la vie de la cité. Mieux organiser la vie de la cité : c’est à quoi nous nous sommes attachés dans les pays de l'Union européenne. Nous avons sur notre agenda, pour les mois et semaines à venir, un certain nombre de dossiers qu'il faudra que nous traitions avec engagement et circonspection.

Vous n'ignorez pas que le Conseil européen de mars, le Conseil européen du printemps, devra se mettre d'accord sur le bilan intérimaire de la stratégie de Lisbonne. Stratégie de Lisbonne qui est un programme européen à finalité méconnue. Nous parlons des réformes, nous parlons des ajustements qu'il faut faire. Nous expliquons sans les expliquer vraiment, mais en les décrivant, les sacrifices que les uns et les autres doivent faire et nous omettons toujours de développer devant ceux qui nous écoutent, s'ils nous écoutent, pourquoi nous devons opérer aujourd'hui un certain nombres de réformes. Nous devons faire ces réformes, douloureuses parfois, parce que nous devons faire en sorte que demain soit garanti l'accès du plus grand nombre au modèle social européen.

Nous avons en Europe, et je parle de l'Union européenne, mais la remarque s'applique à tous ceux qui sont aujourd'hui présents, une crise de croissance qui est plus qu'une pause de croissance. Nous sommes entrés dans ces zones conjoncturelles dangereuses parce que nous avons en Europe un très sérieux problème de compétitivité. Il est donc normal que l'Union européenne, et notamment la Commission, nous oblige, les États membres qui la composent, de concentrer tous nos efforts et de cibler toute notre imagination sur l'amélioration de la situation compétitive de l'Europe pour faire en sorte que nous puissions relancer la croissance économique en Europe pour en faire une croissance non inflationniste et fertile en emplois. Mais je ne voudrais pas que nous confondions instrument et finalité. La compétitivité n'est pas une valeur en soi. Elle ne sert à rien si elle ne sert pas un certain nombre de finalités. La grande finalité de la compétitivité et de la croissance retrouvée est la défection, la réparation de la cohésion sociale en Europe qui devient de plus en plus fragile.

Par conséquent, les réformes qui doivent être opérées dans le cadre de l'agenda de Lisbonne doivent servir d'abord les hommes et doivent d'abord contribuer à compléter la cohésion sociale là où elle est faiblissante et là où elle a des lacunes. Croissance, compétitivité, cohésion sociale ne vont pas pouvoir connaître du succès si ces éléments ne seront pas soutenus par l'amélioration notable de la situation de l'emploi en Europe. « J'aime », disait le philosophe Pascal, « les choses qui vont ensemble ». Compétitivité, croissance, emploi et cohésion sociale vont ensemble, aucun de ces éléments n'a vraiment un sens si les autres éléments ne figurent pas sur la même ligne d'action et sur la même ligne d'ambition. Par conséquent, lorsque nous aurons à réexaminer la stratégie de Lisbonne, lorsque nous aurons à amender le pacte de stabilité et de croissance, lorsque nous aurons à développer pour les années 2007 à 2013 les perspectives financières de l'Union européenne, c'est-à-dire lorsque nous aurons à mettre en place les volumes financiers qui doivent servir toutes les ambitions de l'Europe, les ambitions de l'intérieur, les obligations de solidarité vers l'extérieur, nous devrons nous laisser guider par ces quatre éléments de générosité et de solidarité que je viens de mentionner.

Je voudrais que dans tous nos pays, nous nous inspirions davantage aux règles d'or de l'Organisation internationale du travail qui sont le tripartisme et le dialogue social. Je voudrais notamment qu'en Europe, je parle de l'Union européenne, nous nous mettions d'accord, au niveau de l'Union européenne et des États membres qui la composent, sur une méthode de transposition des objectifs globaux de la stratégie de Lisbonne en nous inspirant des règles d'or, comme je le disais, de l’OIT. Je voudrais que les objectifs stratégiques de Lisbonne soient traduits dans les 25 États membres dans des programmes d'action nationaux qui seront communiqués pour y être discutés à Bruxelles. Je voudrais que ces programmes d'action nationale qui portent sur les réformes structurelles qui doivent être sages, qui ne doivent pas se caractériser par une frénésie « déréglementatrice » sans bornes et sans gêne qui doivent s'inspirer de la solidarité minimale. Que ces programmes d'action nationale soient discutés entre les gouvernements et les partenaires sociaux, que de la compétition vertueuse entre les partenaires sociaux et les gouvernements naissent des programmes d'action nationaux qui seront communiqués aux parlements nationaux devant lesquels les gouvernements nationaux sont d'abord responsables avant qu'ils ne le soient devant des instances européennes et communautaires.

Je voudrais que dans tous les pays prennent place les vertus du dialogue social. Je voudrais que les grandes réformes que nous devons opérer en Europe soient le fruit de la pensée commune des organisations des travailleurs et des organisations patronales. Il faudra que nous mettions un terme à ce jeu stupide qui consiste à dire du mal l'un de l'autre. Les patrons ne sont pas les ennemis des salariés et les salariés ne sont pas les ennemis de l'emploi. Il faudra qu'ensemble, avec chacun ayant ses intérêts à défendre, nous nous organisions en Europe et dans les différents pays membres de l'Europe et dans les États membres, comme dans les États et pays qui sont des voisins directs de l'Europe. Il faudra que dans tous ces pays, grâce aux règles du tripartisme du dialogue social, nous assurions aux générations qui vont nous suivre un monde qui sera meilleur que celui dans lequel, avec beaucoup de difficultés pour beaucoup d'hommes et de femmes, nous essayons de nous démêler à l'heure où nous sommes.

Ne perdons pas courage. Notamment l'histoire de ce pays, et l'histoire de ses voisins immédiats, prouve que les hommes sont capables des plus grandes performances lorsqu'ils sont inspirés par des sentiments nobles. Ici en Hongrie, ailleurs en Europe centrale et dans un certain nombre de pays mi-européens, mi-asiatiques, qui sont nos voisins immédiats, les hommes au cours des quinze dernières années ont prouvé que l'histoire ne se fait pas toujours contre les hommes, lorsque les hommes ont décidé de faire l’histoire eux-mêmes. Alors, ne perdons pas courage, rassemblons nos forces, nos énergies, nos talents multiples. Construisons le monde de demain avec cette patience et cette détermination dont ont besoin les grandes ambitions et les longues distances. Merci.




Dernière mise à jour de cette page le : 18-02-2005

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