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[Luxembourg 2005 Présidence du Conseil de l'Union européenne]
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Discours
Allocution de Jean Asselborn devant la Commision des Droits de l'Homme à Genève

Date du discours : 14-03-2005

Lieu : Genève, Palais des Nations

Orateur : Jean Asselborn

Domaine politique : Affaires générales et Relations extérieures


Monsieur le Président,

Madame la Haut Commissaire aux Droits de l’Homme,

Excellences,

Mesdames, Messieurs,

Permettez-moi, Monsieur le Président, de vous adresser mes félicitations pour votre élection à la Présidence de la 61ème Commission des Droits de l’Homme et mes vœux pour l’exercice de vos fonctions. Dans l’importante et délicate tâche qui est la vôtre vous pourrez compter sur l’engagement inconditionnel en faveur des Droits de l’Homme de l’Union européenne au nom de laquelle j’ai l’honneur de m’adresser à la Commission.

Permettez-moi, Monsieur le Président, de saluer également dans ses nouvelles fonctions, notre Haut Commissaire aux Droits de l’Homme, Madame Louise Arbour. Son habileté diplomatique, sa persévérance et sa longue expérience nous seront des plus utiles dans nos efforts communs pour un monde plus respectueux de la personne humaine. Qu’une femme assume une nouvelle fois le Haut Commissariat aux Droits de l’Homme me dispensera de rappeler l’importance que l'Union wuropéenne attache à l’égalité des sexes et aux droits des femmes. Je sais Madame Arbour attentive et sensible à ce point.

Monsieur le Président,

Nous mesurons au quotidien ce qui nous sépare encore d’une pleine application de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, dans le monde et dans chacune de nos sociétés. En faisant du respect des Droits de l’Homme une valeur fondamentale inscrite dans ses textes constituants, l’Union européenne applique en son sein le même critère que celui qui guide son action vers l’extérieur et son dialogue avec les Etats tiers.

Le respect des libertés individuelles ne deviendra jamais un acquis définitif dans aucun de nos pays. L’arbitraire, l’absolutisme, l’avilissement humain ne sont pas des phénomènes en voie d’extinction. Ils resurgiront dans la plus paisible et juste de nos sociétés au hasard d’une crise, d’une menace ou plus sournoisement par suite de notre relâchement face au fléau des violations des droits les plus élémentaires. L’Union européenne est parfaitement consciente de ses propres imperfections et des risques de xénophobie, de racisme et d’intolérance qui guettent nos sociétés européennes. De concert avec ses partenaires du Conseil de l’Europe, l’Union européenne s’est dotée d’un cadre juridique efficace et contraignant pour assurer le respect des Droits de l’Homme. Je puis vous assurer de notre infaillible détermination politique à persévérer dans cette voie.

Responsabilité de chacun d’entre nous, la réalisation des Droits de l’Homme, universels et individuels, est aussi notre responsabilité commune face à l’humanité que nous représentons dans sa diversité comme dans sa communauté d’idéaux. Par les nombreuses initiatives thématiques et par pays que nous présentons à la Commission des Droits de l’Homme, l’Union européenne assume cette responsabilité qui ne s’exerce pas facilement.

Parce que les Droits de l’Homme sont une valeur commune à l’humanité, l’Union européenne  se fait un devoir d’examiner sur un plan individuel la situation dans tous les Etats du monde pour se prononcer sans complaisance, pour avertir sans préjugés et pour dissuader les tentations de non-respect des droits de la personne humaine. Parfois, des situations préoccupantes ne nous laissent pas d’autre choix que la singularisation des violations les plus graves. Mais l’Union européenne ne perd jamais de vue que le dialogue critique et discret peut constituer un puissant encouragement à persévérer dans la voie d’un meilleur respect des Droits de l’Homme.

Dans l’intérêt des objectifs que nous poursuivons et que nous partageons avec cette Commission, nous nous laissons guider par le souci d’une efficacité dynamique :

  • si, dans un cas précis, notre critique - aujourd’hui ouverte et directe - remplit son rôle de révélateur ou de dissuasion, notre approche de demain pourra privilégier le dialogue, toujours critique mais discret et encourageant ;
  • à l’inverse, notre recours au dialogue, à l’encouragement et à la discrétion ne devra jamais être vu comme un relâchement de notre attention ou un abandon de l’option d’une mise en examen ouverte.

Monsieur le Président,

Comme toute entreprise humaine, l’action de cette Commission est elle aussi perfectible. L’Union européenne s’engage à participer activement à la réflexion lancée par le rapport du Panel de Haut Niveau pour mettre pleinement en valeur le potentiel de la Commission. L’idée d’universaliser la CDH ou, à plus long terme, de l’ériger en Conseil des droits de l’homme, est intéressante. Elle mérite examen dans le contexte plus large de la réforme des Nations Unies. Si nous entendons effectivement faire de la promotion et de la défense des droits de l’homme l’un des principaux objectifs de l’ONU, nous devons assurer au Haut Commissariat les ressources financières nécessaires comme le préconise le Panel de Haut Niveau. Quant à l’idée d’un rapport annuel du Haut Commissariat sur la situation des droits de l’homme dans le monde, l’Union européenne le verrait comme une base supplémentaire pour des résolutions par pays, permettant aussi un meilleur suivi de la mise en œuvre de résolutions antérieures.

L’Union européenne soutient les idées pour une meilleure intégration de la dimension des Droits de l’Homme dans le système des Nations Unies, en particulier dans les délibérations du Conseil de sécurité. Le rapport du Panel reconnaît implicitement que les violations des droits de l’homme constituent une menace majeure pour la paix et la sécurité. L’Union européenne souligne l’importance des droits de l’homme dans les activités de prévention et se félicite de l’adoption par le Panel du principe de responsabilité de protéger, les violations des Droits de l’Homme à grande échelle appelant à une réponse active de la communauté internationale.

Monsieur le Président,

La tentation de violer les droits des plus faibles nous guette partout. Elle se nourrit le plus facilement des situations de crise. La communauté internationale s'est imposée des limites dans la conduite de la guerre. En cas de conflit, les non-belligérants ne doivent pas se retrouver dans une zone de non-droit dans laquelle les populations civiles impliquées dans des conflits armés seraient sans protection.

Les conflits armés ne sont pas les seules occasions de crise où des impératifs de sécurité risquent d’être élevés à la priorité absolue au point de prendre le pas sur les libertés individuelles.

La lutte contre le terrorisme, dans laquelle la communauté internationale s’est collectivement engagée ces dernières années, appelle de notre part une grande vigilance. Dans sa dimension globale, la problématique du terrorisme est nouvelle. Elle nous touche tous et interroge même ceux parmi nous qui se croyaient à l’abri des tentations de violations des Droits de l’Homme. Le mauvais choix serait de vouloir escamoter le débat. Pour abjects et inqualifiables que puissent être les forfaits terroristes, ils ne sauraient justifier une relativisation de l’Etat de droit et des Conventions de Genève. Nos sociétés de droit ne doivent pas se rabaisser à vouloir combattre le mal par le mal. Nous perdrions l’assise morale qui nous investit du pouvoir de juger et de punir ceux qui commettent les actes de terrorisme. Les solutions conciliant le respect des droits de l’homme avec la lutte contre le terrorisme ne peuvent venir que d’une discussion en commun qui se penche sans complaisance sur les sources profondes du terrorisme. Aborder les causes du terrorisme ne relève pas d’une approche laxiste ou permissive. Il s'agit au contraire d'une contribution essentielle pour éradiquer ce phénomène.

Ce contexte du terrorisme me permet de rappeler l’importance que nous attachons à la prohibition absolue de toute forme de torture. Notre opposition à cette forme d’abus de l’être humain contre son semblable ne doit pas connaître d’exception.

L’abus le plus irréparable de la puissance étatique est la pratique de la mise à mort légale. L’Union européenne se félicite de la tendance mondiale qui va dans le sens de l’abolition de la peine de mort. Elle est une illustration parfaite de l’autolimitation de la souveraineté d’Etat face aux droits de l’individu. Notre propre expérience en Europe nous apprend que l’abandon universel de la peine de mort ne pourra être que progressif. Nous exhortons tous les pays à décréter au moins au moratoire qui marquerait la première étape vers son abolition totale et à abolir sans délai l’exécution des personnes mentalement handicapées ou mineures au moment des faits incriminés.

Je voudrais aussi relever cette autre priorité de l’Union européenne qui est notre soutien à l’action de la Cour Pénale Internationale, instrument essentiel pour mettre fin à l’impunité et pour prévenir les crimes contre l’humanité. Ceux qui partagent nos idéaux en matière de Droits de l’Homme mais hésitent à adhérer pleinement à la Cour Pénale Internationale devraient reconnaître les qualités dissuasives de cette juridiction permanente. L’Union européenne réitère son appel à la ratification du Statut de Rome et au plein respect de son universalité et de son intégrité.

Quels que soient les coupables, les victimes ou les circonstances, la violation des Droits de l’Homme est toujours un abus du puissant sur la personne du faible. Je m’en voudrais dès lors de ne pas mentionner devant cette Commission les efforts à entreprendre pour protéger les plus faibles parmi les faibles, à savoir les enfants. Devant les multiples violations des droits des enfants dans des situations de tous les jours comme dans des situations de conflits armés, nous ne pouvons nous contenter de notre indignation. Faisons fi de nos hésitations pour passer à l’action dans l’intérêt supérieur de l’enfant.

Un principe bien établi par la Déclaration et le Programme d’Action de Vienne est que tous les droits de l’homme sont universels, indissociables, interdépendants et intimement liés. De ce fait une importance égale doit être donnée à la réalisation des droits civils et politiques ainsi que des droits économiques, sociaux, culturels. L’extrême pauvreté et les catastrophes humanitaires peuvent avoir des effets désastreux sur la stabilité et la jouissance de certains droits vitaux. Conscients de ce fait, l'Union européenne et ses États membres assument ensemble plus de la moitié de l'aide internationale au développement. Une stratégie efficace de réduction de la pauvreté doit cependant aussi passer par la participation démocratique de la population aux prises de décisions, l’Etat de droit et le respect des droits de l’individu.

Dans notre lutte pour le respect des Droits de l’Homme, nos Gouvernements sont efficacement aidés par la société civile et la presse. Ceux qui informent, observent et dénoncent les abus, parfois au risque de leur propre intégrité physique, méritent notre respect et notre appui. Des entraves à leur travail sont des entraves au respect des Droits de l’Homme. L’Union européenne se félicite du rôle que jouent les ONG à la Commission des Droits de l’Homme. Nous maintiendrons un dialogue suivi avec ces organisations afin d’améliorer encore la transparence des activités de nos Gouvernements et de cette Commission.

Monsieur le Président,

En tant que valeurs universelles, les droits de l’homme peuvent être porteurs d’union plutôt que de divisions. Au-delà des passions et débats souvent animés, peu d’autres institutions que cette Commission ne peuvent symboliser aussi bien la communauté de destin propre à toute l’humanité. J’espère que ses travaux seront guidés par un esprit d’humanisme au service des droits élémentaires de chaque individu.

Je vous remercie.




Dernière mise à jour de cette page le : 14-03-2005

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