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[Luxembourg 2005 Presidency of the Council of the European Union]
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Speech
Speech by Jean-Claude Juncker to the Parliamentary Assembly of the Council of Europe - 27 April 2005 (FR)

Date of Speech : 27-04-2005

Place : Strasbourg

Speaker : Jean-Claude Juncker

Policy area : General Affairs and External Relations


Monsieur le Président, mes chers collègues, j’éprouve toujours un énorme plaisir à me rendre à Strasbourg, capitale européenne par excellence, ville symbole de la réconciliation franco-allemande, haut lieu du parlementarisme européen, puisque siègent dans cette ville et votre Assemblée et le Parlement européen. Ville qui ouvre l’horizon vers une Europe que nous connaissons mal puisque, désormais, depuis près d’une décennie et demie sont venus s’ajouter au cortège déjà impressionnant des membres du Conseil de l’Europe les nouvelles démocraties de l’Europe centrale et de l’Europe orientale.

C’est toujours pour moi, à plusieurs égards un retour aux sources. J’ai fait mes études de droit dans cette ville de 1975 à 1979. Je plonge dans un océan de souvenirs et de nostalgie chaque fois que je me rends à Strasbourg. Etudiant en droit, j’ai fait une connaissance, intime, dirais-je, de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe car à l’époque où les universités s’appliquaient encore à éduquer les hommes, une des possibilités qui s’offrait aux jeunes étudiants en droit consistait à suivre les travaux de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, joie à laquelle je me suis adonné avec grand plaisir. Je suis depuis les travaux de l’Assemblée parlementaire. Je connais les couleurs des prérapports, des rapports. Je crois qu’elles sont restées les mêmes, car j’apprécie l’extraordinaire qualité des rapports de l’Assemblée parlementaire. Ces rapports sont d’une qualité supérieure et, comme tous documents qui revêtent une qualité supérieure, ils sont insuffisamment lus par ceux qui gouvernent. Je voulais rendre hommage à la qualité du travail de votre Assemblée.

C’est la troisième fois que je me présente devant votre Assemblée en ma qualité de Premier ministre: la première fois en 1997, la deuxième fois – le Président vient de le rappeler – en 2002, et aujourd’hui. Je le fais ce jour avec d’autant plus de plaisir que l’Assemblée est présidée par René van der Linden, qui est un vieil ami à moi. Nous avons fait une bonne partie de notre parcours européen ensemble. Je suis très honoré de le savoir aujourd’hui dans mon dos et j’évolue avec la discipline requise sous ses ordres!

En fait, j’aurais toujours voulu être un membre de l’Assemblée parlementaire. Le suffrage universel ayant ses contraintes, j’ai toujours été reconduit dans mes fonctions gouvernementales. Mais viendra le jour où tel ne sera plus le cas, puisque la sagesse des peuples peut atteindre soudainement ses limites et, sans nul doute, vous retrouverai-je dans cette Assemblée, laquelle aujourd’hui voit évoluer parmi ses membres, si vous me permettez cet emploi excessif du prénom possessif, trois de mes anciens ministres: Mme Err, Mme Brasseur, M. Goerens, que je salue cordialement.

Si je compare l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe de 2005 à ce qu’elle était en 1975 lorsque, dans cette ville, je débutais mes études de droit, une expression faible me pousse à dire que je ne cesse d’être impressionné par les multiples évolutions auxquelles le Conseil de l’Europe fut soumis.

Quelle distance, en effet, parcourue par le Conseil de l’Europe et par le continent européen pendant les trois dernières décennies et quelle distance que celle qui sépare la date d’aujourd’hui à la première réunion de votre Assemblée parlementaire qui eut lieu en août 1949. A l’époque, le Conseil de l’Europe comptait dix Etats membres alors qu’il n’en compte à l’heure actuelle pas moins de quarante-six. Mais le Conseil de l’Europe existait bien avant sa date de naissance officielle. Le Conseil de l’Europe existait pendant la Deuxième guerre mondiale, voire avant, de façon informelle. Il a ignoré son nom pendant ce laps de temps particulièrement dramatique pour notre continent, mais dans les cœurs et d’une façon informelle il existait déjà.

Nous les plus jeunes, pensons que l’histoire de l’Europe a pris son véritable envol avec votre entrée sur scène. Tel n’est pas le cas, puisque les rêves européens furent caressés entre les deux guerres mondiales, au cours de cette période à l’imagination fertile et à l’imagination vertueuse que furent les années 20, lorsque le comte Coudenhove-Kalergi fomenta ses premières idées, ses premières esquisses de l’architecture du continent européen pendant les années 20. Ceux qui dans son entreprise tentèrent de l’accompagner étaient les plus grands déçus des évolutions du continent pendant les années 30. Si les idées généreuses formulées à cette période avaient été traduites dans les faits, bien des tragédies européennes lui eurent été épargnées dans les années 30 et 40.

Ceux qui dans les prisons, dans les camps de concentration, ne cessaient de rêver de faire l’Europe immédiatement après la fin de la Deuxième guerre mondiale, ne devraient pas quitter notre souvenir collectif et notre cœur, parce qu’ils ont cru à l’Europe à un moment où l’Europe n’avait aucune chance de renaître de ses cendres. Je pense à Léon Blum, qui, dans les prisons allemandes, n’a cessé de dessiner l’Europe; je pense à Spinelli, qui, dans les camps de concentration italiens, sur une île éloignée de la Méditerranée, rêvait de voir l’Europe enfin prendre corps, pour qu’elle ne puisse plus jamais devenir cadavre. Ce furent de grands Européens qui, malheureusement, ont quitté, à bien des égards, la mémoire collective alors que la mémoire collective et le devenir du continent leur doivent beaucoup.

Le Conseil de l’Europe existait dans le discours de Churchill à Zurich en 1946 où il appela les peuples d’Europe à s’unir. Il incita petites et grandes nations européennes à conjuguer leurs efforts pacifiques pour faire de l’Europe un endroit totalement différent de ce qu’il fut avant la Seconde guerre mondiale.

Au Congrès du mouvement européen de 1948 à La Haye, 800 Européens se sont réunis, philosophes, hommes politiques, syndicalistes, grands patrons, pour l’envol de cette généreuse et noble idée européenne. Churchill, arrivé à l’apogée de son autorité morale, prononça cette phrase historique, riche en perspective visionnaire devant le Conseil de l’Europe qui débutait: "nous commençons aujourd’hui à l’Ouest ce qu’un jour nous allons terminer à l’Est." Nous en voici maintenant à cette recomposition du continent européen. A La Haye, se trouvaient Konrad Adenauer, le jeune Mitterrand et le grand Churchill.

En dépit des difficultés du moment et des contraintes qui pèsent, je prétends que jamais l’Europe ne fut un continent aussi facile à vivre qu’aujourd’hui. Si nous comparons les soucis des générations actuelles, aux dramatiques interpellations auxquelles devaient faire face les générations de nos parents et grands-parents, l’histoire nous sourit.

Le Conseil de l’Europe accompagna la marche des Européens vers un continent recomposé fait de paix et de règles de bon voisinage. Cette orientation garde aujourd’hui toute sa valeur. Je sais bien qu’au sein de l’Union européenne, les jeunes, les intrépides, les superficiels, ceux qui ignorent tout du passé pensent que sans problème majeur, cette union pourrait remplacer le Conseil de l’Europe. Telle n’est pas ma conception. Le Conseil de l’Europe a su rester fidèle à ses valeurs. Il est irremplaçable.

L’Union européenne connaît de grandes difficultés actuellement. Pour l’instant, je suis bien payé pour le savoir, même si je ne suis pas payé du tout… (Sourires). Le Luxembourg en exerce pour la onzième fois la présidence de l’Union européenne, moi-même pour la quatrième fois. J’essaye de la faire avancer l’Union européenne en la conduisant vers des cieux plus cléments mais le voyage est des plus difficiles. Nous avons su, avec énergie et détermination, réformer le Pacte de stabilité et de croissance, élément essentiel pour les règles qui commandent la marche monétaire de l’Union européenne.

J’ai constaté, mais j’en avais le pressentiment, que rien n’est plus difficile que de mettre d’accord sur une même ligne d’analyse et d’action vingt﷓cinq gouvernements comptant pas moins de cent partis politiques. Ce n’est pas une raison pour désespérer. Comme il ne faut pas désespérer de voir l’Union européenne se mettre d’accord en juin sur les perspectives financières, dans son cadre budgétaire, entre 2007 et 2013. Je ne me fais pas trop d’illusions sur la faisabilité de l’ exercice.

Si l’Union européenne, après s’être dotée d’ambitions vertigineuses, veut rester crédible, elle doit mettre à sa disposition les volumes financiers dont elle a besoin pour mener à bien les politiques qu’elle souhaite.

Lors du Conseil européen de mars, nous avons remis sur le métier la stratégie de Lisbonne, ce programme de réformes économiques et sociales qui doit faire de l’Union européenne la partie la plus compétitive de la planète et de la triade économique. En apportant un certain nombre de modifications à la stratégie de Lisbonne, nous avons voulu donner le signal clair et durable que l’Union européenne garde ses ambitions économiques et sociales. Les réformes prévues ne sont pas une prise de congé des acquis sociaux de l’Union européenne.

Le programme de Lisbonne représente les efforts auxquels devront se soumettre tous les États membres pour que le modèle social européen reste demain accessible au plus grand nombre d’Européens. Les réformes que nous ne faisons pas aujourd’hui seront les plus coûteuses si nous devons les faire plus tard. Mieux vaut donc entreprendre aujourd’hui.

Nous avons fait en sorte que les États membres de l’Union européenne regagnent l’appropriation de la stratégie de Lisbonne. Il n’est pas correct de considérer que l’Union européenne pourrait faire, en lieu et place des États membres, les réformes qui doivent être entreprises. Ce sont les gouvernements nationaux d’abord avec les partenaires sociaux et les Parlements nationaux qui doivent entreprendre les réformes dont l’Europe a cruellement besoin.

Nous sommes engagés dans un très difficile processus de ratification du Traité constitutionnel de l’Union européenne. Devant cette grande famille européenne, qu’est le Conseil de l’Europe, je souligne que l’Europe a besoin de ce Traité. Il n’est pas parfait, mais je n’en connais pas qui le soient.

Il arrive souvent dans l’histoire des hommes que si la volonté de ceux qui sont chargés d’appliquer des traités est parfaite, des traités imparfaits peuvent conduire à des résultats excellents. Il arrive souvent que des traités, à première vue parfaits, ne répondent pas à toutes les attentes si la volonté de ceux qui sont chargés de les appliquer devait rester imparfaite. Si les personnes qui gouvernent l’Europe au niveau du parlement européen et du Conseil des Ministres sont animées d’une ferme volonté de bien faire et de répondre aux défis de l’époque, ce Traité constitutionnel, certes imparfait, pourra produire des résultats parfaits.

Il ne faut pas comparer le Traité constitutionnel à l’idéal. Chaque fois qu’une entreprise humaine est comparée à l’idéal, elle apparaît faible. Si j’avais moi﷓même rédigé le Traité en entier, il serait non seulement meilleur mais il permettrait une lecture plus immédiate et une compréhension plus simples. Si deux d’entre nous, même partageant le même idéal, avait dû écrire cette Constitution, il y aurait eu des premiers désaccords. Je vois ici M. Luc van den Brande avec qui j’ai écrit beaucoup de textes, tous bien sûr excellents. Jamais nous n’étions d’accord sur les détails. Comme j’ai souvent gagné le match, les textes ne peuvent être qualifiés d’excellents.(Sourires.)

Le fait de voir même vingt–cinq États membres se mettre d’accord sur un même paquet d’ambitions, sur un même ensemble de volontés est un événement continental majeur en soi. Le fait qu’ en 2004-2005, nous ayons été à même à vingt–cinq gouvernements avec des parcours historiques tout à fait divergents, voire opposés et voire contradictoires, de nous mettre d’accord est un argument de poids en faveur du Traité constitutionnel. Où, dans le monde, pouvez﷓vous trouver vingt–cinq États membres aux parcours historiques si différents que ceux de nos pays membres de l’Union européenne, se mettre d’accord sur la façon de façonner tout un continent pendant les décennies à venir? Seule l’Europe serait capable et est capable de réaliser de telles performances. Bien que certains arguments avancés par les tenants du non au Traité constitutionnel puissent paraître alléchants, il s’agit aujourd’hui, puisque le Traité ne pourra pas être renégocié de dire oui, de le dire d’une façon franche et massive.

Monsieur le Président, nous sommes à la veille du troisième Sommet du Conseil de l’Europe qui se déroulera d’ici quelques semaines dans la ville de Varsovie. C’est le troisième Sommet après ceux de Vienne et de Strasbourg, mais c’est le premier Sommet qui aura lieu dans un pays de l’Europe centrale et orientale dans cette grande ville européenne qu’est Varsovie.

Lorsque le Conseil de l’Europe fut fondé, lorsque les premières réunions du Comité des Ministres de l’Assemblée parlementaire eurent lieu pendant les années 50, 60, 70 et 80, personne n’aurait osé imaginer qu’un jour le Sommet du Conseil de l’Europe se déroulerait dans la capitale polonaise. C’est cette réunion du Sommet du Conseil de l’Europe qui nous permet de constater que soixante années après la fin de la Première guerre mondiale nous avons réussi à mettre un terme à ce funeste décret de l’histoire d’après-guerre qui voulait que les deux parties de l’Europe soient séparées à tout jamais. Nous réunir à Varsovie est une perspective qui me remplit de joie puisque qu’une réunion à Varsovie est un événement en elle-même, voir la grande famille européenne qui se donne rendez-vous dans la capitale polonaise.

Nous aurons bien sûr des questions importantes à discuter, notamment celles qui concernent les relations qui doivent s’établir entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne. C’est un vieux débat chaque fois renouvelé et auquel nous n’arrivons pas à donner la bonne réponse.

Je voudrais d’abord que les pays membres de l’Union européenne qui, à vingt–cinq aujourd’hui, constituent la majorité des Etats membres du Conseil de l’Europe, n’oublient pas dans leur pensée, si elle est orientée vers l’avenir, de réserver au Conseil de l’Europe la place qui lui revient. Les droits de l’homme, l’action normative du Conseil de l’Europe, l’action culturelle, qui fut toujours et reste celle du Conseil de l’Europe, font de cette organisation européenne une organisation dont le relais ne peut pas être pris par l’Union européenne. Il faudrait que nous mettions un terme à cette stupide rivalité qui existe entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne.

Je voudrais que tous les Etats membres de l’Union européenne le comprennent. Je voudrais surtout, et avant tout, que la Commission européenne le comprenne au même degré. L’heure n’est pas aux différends artificiels, aux controverses superficielles, l’heure est à l’entendement entre les deux grandes organisations que constituent le Conseil de l’Europe et l’Union européenne. Par conséquent, je plaiderai, comme à Varsovie, résolument en faveur de la mise en place d’un mémorandum entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe, sur la base des lignes directrices qui ont été élaborées et qui, c’est mon sentiment, doivent être soumises au Sommet du Conseil de l’Europe, dans l’état dans lequel elles se trouvent pour que, sur ce point, nous puissions progresser.

Je voudrais que le Sommet de Varsovie soit mis à profit pour ajouter en termes de crédibilité des éléments supplémentaires à l’efficacité des instances et des institutions qui sont celles du Conseil de l’Europe. Je voudrais surtout parler de la très nécessaire augmentation des moyens, notamment en ressources humaines de la Cour européenne des Droits de l’Homme. Nous ne pouvons pas baisser les bras et rester les bras croisés devant l’énormité des retards que les procédures sont en train d’accumuler au niveau de la Cour. C’est l’honneur du Conseil de l’Europe que d’avoir su mettre en place une jurisprudence continentale en matière des droits de l’homme, c’est l’honneur du Conseil de l’Europe que d’avoir mis à la disposition de notre continent cette juridiction dont la réputation internationale n’est plus à faire. Nous ne pouvons pas ne pas réagir face aux difficultés qui sont celles de la Cour européenne des Droits de l’Homme.

Voilà, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, quelques éléments de réflexion que je voulais vous soumettre.

Je souhaite pour ma part que le Conseil de l’Europe reste ce qu’il fut au cours des décennies depuis 1949: une organisation internationale européenne qui se caractérise par un haut niveau d’exigences. Le Conseil de l’Europe est une organisation exigeante. Elle impose des exigences à ses Etats membres. Ces exigences s’imposent à chaque gouvernement, à chaque parlementaire, ou juridiction nationale et aux hommes et aux femmes qui habitent notre continent.

L’heure est venue de rappeler les grands principes sur lesquels s’est fondé le Conseil de l’Europe lorsque, à la sortie des années 40, il a vu le jour. Ces grands et nobles principes restent d’actualité aujourd’hui comme hier.



This page was last modified on : 18-05-2005

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