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[Luxembourg 2005 Présidence du Conseil de l'Union européenne]
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Discours
Allocution de la ministre Québécoise de la Culture et des Communications à l'occasion de la réunion informelle des ministres de la Culture de l'UE

Date du discours : 27-06-2005

Lieu : Luxembourg

Orateur : Madame Line Beauchamp

Domaine politique : Education, jeunesse, culture


Monsieur le Président,

Monsieur le Commissaire,

Mesdames et messieurs les ministres,

Chers collègues,

Je remercie la Présidence luxembourgeoise pour l’invitation qui m’a été adressée. Je suis honorée de me trouver à cette table aujourd’hui et de partager des idées et des idéaux avec des partenaires privilégiés.

Cette rencontre revêt une signification bien particulière, puisqu’elle intervient à un moment où les nations d’Europe comme celles d’Amérique sont à la croisée des chemins, car elles doivent relever d’énormes défis liés à des contextes "mouvants et changeants" sur les scènes continentale et mondiale.

Permettez-moi un bref rappel de notre histoire récente. Le peuple québécois est composé de 7,5 millions d’habitants dont la langue d’usage est le français. Notre société est pour ainsi dire immergée dans le grand ensemble nord-américain qui compte près de 280 millions d’anglophones.

Pourtant, nous avons su réagir au danger de l’assimilation et de l’acculturation par la prise en charge de nos moyens d’expression culturelle et par une création artistique à la fois originale et ouverte sur le monde.

Considérant les compétences constitutionnelles dévolues aux gouvernements provinciaux, l’État québécois s’est donné, dès les années 60, de puissants outils de développement dont un ministère des Affaires culturelles, "ancêtre" du ministère de la Culture et des Communications dont j’ai aujourd’hui la responsabilité.

Il existait alors très peu de ministères de la Culture dans le monde. Le nôtre était le tout premier en Amérique. En le mettant en place, nous avons créé un outil permettant à notre culture de s’affirmer et de se développer.

En 1992, c’est cette même vision qui nous a guidés dans l’élaboration de la Politique culturelle du Québec, politique mise en œuvre grâce à l’apport de madame Liza Frulla, actuelle ministre du Patrimoine canadien, alors qu’elle était ministre de la Culture du Québec.

Cette politique culturelle, autre première en Amérique, défend les grands principes suivants :

· La culture est aussi nécessaire à la vie en société que les dimensions sociale et économique.

· L’autonomie de création et la liberté d’expression sont des valeurs essentielles à toute société.

· Tout comme l’éducation, la culture est un droit pour chaque citoyen et chaque citoyenne du Québec, quels que soient son pays d’origine et la région qu’il ou qu’elle habite.

· La politique culturelle est un enjeu essentiel sur lequel tous les acteurs, tant les ministères que les municipalités, doivent se pencher. Autrement dit, la culture nous concerne tous.

Ces affirmations constituent les fondements à partir desquels nous avons adopté de nouveaux outils de développement culturel.

Parmi ces outils, on retrouve les politiques, les institutions et les programmes d’aide administrés par le Ministère. Ceux-ci  concernent une foule de domaines allant des Conservatoires de musique et d’art dramatique à la construction d’équipements culturels en passant par l’intégration des arts à l’architecture, le  patrimoine, les arts de la scène, la culture à l’école, la formation, la relève artistique et le tourisme culturel.

De plus, pour répondre aux besoins de nos concitoyens, de nos artistes et de nos industries culturelles, nos actions se déploient à travers plusieurs sociétés d’État.

Une de ces sociétés d’État est Télé-Québec, dont le rôle est de concourir à la diffusion de la culture et des connaissances. Télé-Québec est actionnaire à hauteur de 25 % de la chaîne spécialisée ARTV, dont la programmation est axée sur les arts et la culture. Elle est aussi un partenaire actif de TV5, cette entité télévisuelle de la Francophonie à laquelle le Québec est associé depuis un peu plus de 15 ans.

Parmi nos sociétés d’État, on compte également deux puissants leviers financiers au service de la création, de la production et de la diffusion culturelles : ce sont le Conseil des arts et des lettres du Québec, la CALQ, et la Société de développement des entreprises culturelles, la SODEC.

En vertu de sa loi constitutive, le Conseil des arts et des lettres du Québec exerce ses responsabilités dans les domaines des arts visuels, des métiers d'art, de la littérature, des arts de la scène, des arts multidisciplinaires et des arts médiatiques, ainsi qu'en matière de recherche architecturale.

Le CALQ, administré par des artistes et créateurs, a pour mission de soutenir, dans chacune des régions du Québec, la création, l'expérimentation et la production artistique, ainsi que le perfectionnement des artistes.

Pour sa part, la Société de développement des entreprises culturelles soutient les entreprises culturelles dans toutes les régions du Québec. À la SODEC, on conjugue la culture et l'économie. Aux artistes, on parle affaires et, aux partenaires d’affaires, on parle de création artistique.

Là réside son originalité puisque la SODEC ne se confine pas à un secteur donné, par exemple le cinéma ou la télévision. Elle embrasse l’ensemble des domaines reliés aux industries culturelles aussi bien les métiers d'art que les variétés, l'édition que le multimédia, les organisations des grands festivals que les maisons de disque.

La SODEC conjugue, pour les entrepreneurs en culture, le rôle de consultant en mise en marché et en exportation avec celui de banque d’affaires, proposant des outils financiers comme le prêt à terme, le crédit renouvelable ou la garantie de prêt.

Son mandat s’étend également à l’administration de mesures fiscales ainsi qu’à celle des nombreux programmes gouvernementaux d'aide, d’investissement et de subventions aux entreprises culturelles.

Avec des partenaires privés du milieu, la SODEC a aussi créé la Financière des entreprises culturelles du Québec (FIDEC). Cette société en commandite vise à répondre aux besoins des entreprises en leur offrant de nouveaux outils de financement pour soutenir la production et la commercialisation des produits destinés aux marchés internationaux. Elle investit sous forme de financement de vente anticipée, d'acquisition de droits ou d'investissement dans des projets.

Le déploiement d’un réseau de sociétés d’État telles que le CALQ et la SODEC reflète bien la démarche politique du Québec en matière culturelle, démarche qu’on pourrait résumer ainsi : faire de la culture une mission gouvernementale.

Si l’on exclut la radio et la télévision, le gouvernement du Québec est celui qui, sur le continent américain, consacre le plus important budget à l’aide directe à la culture. À titre de comparaison, les dépenses per capita en culture dans l’ensemble des provinces canadiennes sont de 38 $CAD (25 euros), alors qu’elles sont de 66 $CAD  (44 euros) au Québec.

Nous continuons à investir là où les besoins se font sentir. D’importantes mises de fonds ont été consacrées à l’amélioration de notre réseau de bibliothèques publiques ainsi qu’à la construction de la Grande Bibliothèque du Québec. Cette dernière, inaugurée dans le cadre de Montréal, Capitale mondiale du livre 2005, est un grand établissement à la fine pointe de la technologie et à la disposition de tous nos concitoyens.

Par ailleurs, en 2004, une fusion entre la Bibliothèque nationale et les Archives nationales du Québec a fait naître "Bibliothèque et Archives nationales du Québec" qui sera vouée à l’acquisition, à la conservation et à la diffusion du patrimoine documentaire publié, archivistique et filmique. Cette nouvelle instance gouvernementale aura effectivement à sa charge la gestion du dépôt légal des films québécois.

Le Québec fait figure de pionnier au Canada et s’inscrit dans le concert des États, notamment les États européens, qui se sont engagés à instaurer un dépôt légal afin de protéger leur patrimoine audiovisuel.

Nous avons également lancé un Plan de soutien au cinéma et à la production audiovisuelle, qui a permis d’affecter des ressources importantes au soutien aux arts médiatiques, ainsi qu’à la création de bourses pour les scénaristes et les réalisateurs. Nous avons prévu dans ce plan une bonification de l’aide accordée à la production de longs métrages, courts métrages et documentaires de langue française.

Pour financer l’effervescence du cinéma québécois, nous considérons la coproduction comme un outil indispensable. En ce sens, nous aspirons à suivre l’exemple de nombreux pays de l’Union européenne qui encouragent et multiplient les occasions de coproductions par leurs politiques culturelles.

Je souhaite que notre politique culturelle, qui réussit de manière générale à donner sa juste place aux coproductions, s’arrime plus harmonieusement avec celles des pays européens. Ce sont nos créateurs et nos artistes qui en bénéficieront et qui contribueront ainsi à l’épanouissement de nos cultures tout en assurant leur diversité. Notre rôle en tant que gouvernement est de leur apporter un soutien.

À cet effet, un de mes premiers gestes comme ministre de la Culture et des Communications s’est traduit concrètement par une action visant à améliorer les conditions de vie professionnelle des créateurs et des artistes professionnels.

La stratégie que nous avons proposée dans le document intitulé Pour mieux vivre de l’art  comportait une mise à jour des deux lois sur le statut professionnel de l’artiste et un plan d’action réunissant une douzaine de mesures devant permettre à nos créateurs d’exercer leur métier dans des conditions décentes. En d’autres termes, nous avons mis en place un filet de sécurité sociale pour les artistes.

Une autre priorité qui guide mon action et mes réflexions est la diversification des sources de financement de la culture, comme la contribution du secteur privé, le mécénat et les dépenses de consommation des individus.

Nous fondons beaucoup d’espoir sur ce nouveau type de partenariat. Je suis convaincue de la nécessité et de la légitimité des investissements publics dans la culture, mais la croissance des besoins se conjuguant au déclin démographique et à la situation précaire des finances publiques, il ne fait aucun doute qu’une plus grande diversification des sources de financement est devenue nécessaire.

Cette année, nous créons un nouveau levier financier nommé Placements Culture afin que les organismes culturels aient des incitatifs pour réaliser des levées de fonds et aller chercher des investissements privés. Placements Culture comprend un fonds d’appariement des dons*  – pour chaque dollar donné, le gouvernement investit autant – et a été conçu en partenariat avec des membres du milieu culturel et du milieu des affaires.

Nous avons également choisi d’encourager les sociétés qui agissent en bons citoyens culturels en bonifiant les mesures fiscales existantes encourageant l’investissement culturel.

Comme vous pouvez le constater, le Québec s’est doté, au cours des 40 dernières années, de politiques d’offre culturelle par l’aide publique à la création et par la mise en place d’un faisceau d’institutions culturelles dans presque tous les domaines.

Cependant, les menaces qui pèsent sur nos politiques culturelles nous invitent à considérer la mondialisation des enjeux culturels. Ce questionnement, je sais que vous et moi le partageons, car l’Union européenne a adhéré à la démarche actuelle de l’UNESCO tout comme les gouvernements du Canada et du Québec.  

Ce qui préoccupe le gouvernement du Québec, c’est que l’on puisse percevoir la culture comme n’étant rien d’autre qu’un divertissement commercialisable et qu’elle soit traitée comme n’importe quel autre objet de consommation. 

Les tenants d’une mondialisation sans nuance estiment que les politiques culturelles faussent le jeu du marché et de la concurrence. Selon cette lecture rigoriste, tout programme public d’aide aux artistes et aux expressions culturelles est une entrave inadmissible à la libre entreprise.

Nous croyons que cette vision ne se défend pas lorsqu’il s’agit de culture. Plus encore, nous sommes profondément convaincus que seuls le respect et la promotion par les États et les gouvernements du principe de la diversité culturelle pourront garantir à toutes les cultures de survivre et de prospérer.

Notre destinée en tant que peuple québécois dans l’ensemble nord-américain nous a tout naturellement placés à l’avant-garde de la réflexion sur cette question. Ainsi, le Québec a été l’un des premiers gouvernements à prendre clairement position en faveur de l’élaboration d’un instrument international reconnaissant le rôle essentiel des pouvoirs publics dans le soutien à la culture.

Je précise que dans toutes mes actions en faveur de la diversité culturelle, j’agis de concert avec mes collègues : tout d’abord avec le premier ministre qui appuie sans réserve la diversité des expressions culturelles, ainsi qu’avec la ministre des Relations internationales et le ministre du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation.

De plus, le Québec travaille conjointement avec le gouvernement du Canada, et nous apportons également notre appui à la Coalition pour la diversité culturelle.

Chers collègues, nous avons un rôle primordial à jouer avant l’adoption finale de la Convention, pour la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Il faut non seulement maintenir notre mobilisation, mais accentuer nos efforts afin d'obtenir une adhésion maximale des pays membres de l'UNESCO et nous assurer que le texte dont nous disposons depuis le 3 juin ne soit aucunement remis en question.

D’ici à la prochaine Conférence générale de l’UNESCO, en octobre 2005, il est essentiel de continuer sans relâche à expliquer, à convaincre et à rappeler l’importance pour les pays de s’abstenir de prendre tout engagement de libéralisation dans les négociations commerciales qui limiteraient l’application de la Convention de l’UNESCO.

Forts de ces appuis, nous pouvons espérer que la prochaine Conférence jettera les bases politiques et juridiques d’un instrument international qui s’imposera comme la référence en matière de culture. Elle nous permettra de maintenir et de développer des politiques culturelles en soutien à nos créateurs et à nos industries culturelles, assurant ainsi la vitalité et la survie de la diversité des expressions culturelles.  

Vue du Québec, l’Union européenne est un exemple de diversité des expressions culturelles et elle s’impose comme un acteur déterminant dans ce débat.

Pour le Québec, il s’agit d’un combat essentiel à sa survie.

Je vous remercie de votre attention.

* Ce nouveau fonds de bonification de l'investissement de 5 millions $CA vise la participation du secteur privé au financement des organismes culturels qui peuvent bénéficier d'une aide de l'État si celles-ci amènent de nouvelles contributions privées.



Dernière mise à jour de cette page le : 27-06-2005

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