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[Luxembourg 2005 Présidence du Conseil de l'Union européenne]
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Discours
Luc Frieden devant l’Assemblée de l’Union de l’Europe Occidentale (UEO)

Date du discours : 13-06-2005

Lieu : Paris

Orateur : Luc Frieden, ministre de la Défense et de la Justice

Domaine politique : Affaires générales et Relations extérieures


Luc Frieden, ministre de la Défense, a présenté hier à Paris devant les Parlementaires de l’Assemblée de l’Union de l’Europe Occidentale (UEO) le bilan de la Présidence luxembourgeoise dans le domaine de la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD) :


Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les parlementaires,

Quand je suis venu au mois de novembre 2004 à l’Union de l’Europe Occidentale (UEO) pour présenter les objectifs de la Présidence luxembourgeoise, je vous avais fait une double promesse : La première était que j’allais revenir en fin de présidence pour faire devant vous le bilan de notre présidence ; la seconde concernait mon engagement de faire avancer la politique européenne de sécurité et de défense. J’ai tenu parole : me revoilà devant vous et la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD) a progressé, elle est devenue plus concrète.

Toutefois, ce que j’ignorai en novembre en m’adressant à vous, c’est que j’allais revenir devant vous à un moment où l’Europe traverse une crise majeure, suite au rejet par les peuples de France et des Pays-Bas du traité établissant une Constitution pour l'Europe, traité que j’ai défendu notamment en raison de ses avancées en matière de politique de sécurité.

Il est sans nul doute difficile de tirer des conclusions des nombreux messages, souvent contradictoires, que nous adressent dans ce débat sur  l’Europe nos concitoyens. Les difficultés économiques, la diminution de l’esprit européen de solidarité, notamment financière, le rejet d’un élargissement passé et futur de l’Europe jugé trop rapide par nos concitoyens, un refus de voir l’Europe s’occuper de trop de détails de manière trop bureaucratique ou de manière trop libérale, autant de motifs qui se sont exprimés à l’occasion de ces consultations populaires.

Ignorer ces messages, continuer à agir comme si de rien n’était, serait, à mes yeux, la mauvaise voie à suivre en ce moment, puisque aucun grand projet ne peut se faire sans soutien populaire et démocratique. Mais, je le dis clairement, il serait aussi absolument faux d’abandonner le grand projet européen devant les difficultés du moment. Les grands enjeux et objectifs que poursuit la construction européenne – la paix, la liberté, la sécurité, la prospérité – doivent repasser au premier plan de nos débats. Il nous faut aujourd’hui un effort accru d’explications, de communication, de dialogue sur l’Europe avec nos concitoyens, débat qui doit dépasser le simple discours sur le traité constitutionnel. Il faut aussi sans nul doute revoir, à la lumière des messages reçus, certaines politiques ainsi que le rythme d’adoption de certaines de nos actions politiques en Europe. Pour communiquer, pour écouter, il nous faut du temps, de l’énergie et de l’engagement.


Monsieur le Président,

La construction européenne a garanti, soixante années durant, la paix et la stabilité sur notre continent. Cette situation a permis à l’Europe de renaître des cendres et de construire une zone de prospérité et de bien-être, avec un modèle social unique. Aujourd’hui la guerre froide est terminée et les valeurs fondamentales européennes ont gagné du terrain. Mais, ces valeurs fondamentales ne sont pas assurées à jamais.  Les guerres successives en ex-Yougoslavie, les attentats terroristes, d’autres conflits régionaux nous le rappellent chaque jour.

Je l’avais dit en novembre et je le répète aujourd’hui : la sécurité intérieure et la sécurité extérieure sont étroitement liées. Les risques et dangers auxquels notre continent est exposé ne s’arrêtent pas aux frontières de l’Union : les conflits et les crises régionales, même loin de notre périphérie, ont une influence directe, déterminante et substantielle sur notre sécurité et sur notre bien-être. Ce qui se passe dans les Balkans, au Proche-Orient, en Afrique ou ailleurs a des répercussions et conséquences sur notre sécurité intérieure et notre stabilité. La paix et la stabilité dans le monde entier sont nécessaires pour une Europe sûre et prospère.       

Le monde est devenu "global", aussi en termes politiques et en termes de sécurité. Et le monde reste instable. Le terrorisme n’est pas éradiqué, la prolifération des armes de destruction massive n’est pas endiguée et les crises et conflits régionaux continuent à se répandre. Aucun Etat membre de l’Union ne peut aujourd’hui relever, à lui tout seul, ces défis. Aucun Etat membre de l’Union ne peut, à lui tout seul, faire face à ces menaces et dangers.  Il faut donc nécessairement une réponse commune, dans laquelle l’Europe a un rôle essentiel à jouer, ensemble avec ses partenaires.

C’est la raison pour laquelle j’ai attaché, durant notre présidence une grande importance à la mise en œuvre des opérations de la politique européenne de défense sur le terrain. La PESD ne doit pas exister uniquement sur le papier. Elle doit changer, améliorer la vie des gens. L’Europe ne doit pas faire la guerre. L’Europe doit agir pour prévenir les guerres ou pour les arrêter. D’où l’importance que nous attachons au concept de gestion de crise, avec toutes ses dimensions.

Pour illustrer ce que je viens de dire, je souhaite présenter un bref aperçu des opérations de l’Union européenne sous la Présidence luxembourgeoise.  L’action de l’opération ALTHEA en Bosnie-Herzégovine contribue à la réalisation de l’objectif à long terme de l’Union européenne : l’avènement d’une Bosnie-Herzégovine stable, pacifique et pluriethnique. L’opération ALTHEA a fait la preuve de son efficacité au cours du premier semestre 2005. ALTHEA est un succès pour l’Europe, pour la PESD et pour la Bosnie. Elle a soutenu le plan de mise en œuvre du Haut représentant des Nations Unies, y compris la lutte contre la criminalité organisée, et le processus de stabilisation et d’association. Sécurité intérieure et sécurité extérieure vont ensemble, la Bosnie-Herzégovine est un parfait exemple. Une Bosnie-Herzégovine déstabilisée n’est pas dans notre intérêt, car elle exporterait ses problèmes et difficultés vers les pays voisins et l’Union européenne. 

L’opération ALTHEA a démontré que l’Union européenne et l’OTAN coopèrent de manière exemplaire et développent des synergies constructives pour gérer les crises internationales. Permettez-moi également d’exprimer, dans ce contexte, notre gratitude aux pays non membres de l’Union européenne qui ont participé à ces opérations.

L’Europe doit aider à gérer les crises régionales. Nous avons une responsabilité particulière à cet égard dans l’assistance à la construction de l’avenir des pays des Balkans. Notre assistance militaire, policière et surtout diplomatique est cruciale pour stabiliser durablement ces pays qui font partie du continent européen et où tant de malheurs se sont déroulés au cours des quinze dernières années.

Mais nous devons aussi regarder au-delà des frontières de l’Europe, notamment vers l’Afrique.

Concernant le Soudan, y compris le Darfour, l’Union apportera tout le soutien possible aux efforts militaires, policiers, civils, en réponse à la demande présentée par l’Union africaine.  Pour aider le Soudan, l’Union et l’OTAN marchent main dans la main. Je me suis beaucoup engagé pour qu’il n’y ait pas de concurrence entre les deux organisations, alors que beaucoup de nos Etats-membres font partie des deux structures internationales. Ce serait d’ailleurs ridicule : ce qui compte avant tout c’est d’aider, c’est d’aider des gens qui souffrent, c’est de construire la stabilité dans un contexte très compliqué. Pour cela l’UE et l’OTAN ont mis en place une coopération exemplaire mettant en évidence la valeur ajoutée de chaque organisation. La coopération OTAN-UE, sous des formes différentes en Bosnie et au Darfour, est un succès et reflète la ligne de conduite de notre présidence que je vous avais exposé ici-même en novembre. 

Nous serons également actifs en République Démocratique du Congo (RDC). L’Union a décidé la semaine passée de lancer une mission de conseil et d’assistance en matière de réforme du secteur de la sécurité en RDC. En étroite coopération et coordination avec les autres acteurs de la communauté internationale, cette mission vise à apporter un soutien concret aux autorités de la RDC compétentes en matière de sécurité dans leur effort d’intégration de l’armée, en veillant à promouvoir des politiques compatibles avec les droits de l’homme, les normes démocratiques et l’Etat de droit. Cette mission, qui est une première en son genre, constitue un exemple concret de la mise en œuvre du plan d’action relatif au soutien apporté dans le cadre de la PESD à la paix et à la sécurité en Afrique. Elle intervient en complément à la mission de police EUPOL Kinshasa pour renforcer les efforts que la Commission et les Etats membres entreprennent déjà dans le domaine de la réforme du secteur de la sécurité en RDC. 

Ces trois opérations, en Bosnie-Herzégovine, au Congo et prochainement au Soudan sont l’expression concrète de la volonté de l’Union d’agir. D’agir pour promouvoir la paix et la stabilité, d’agir pour contribuer à la prévention et à la résolution de conflits. L’Union européenne entend agir en tant qu’acteur global : pour ce faire elle doit continuer à renforcer son dispositif politique et diplomatique et elle doit continuer à développer la PESD : plus de capacités, plus de cohérence, plus de partenariat.  La Présidence luxembourgeoise a œuvré dans ce sens. Nous avons progressé et j’en suis satisfait, même si les problèmes ne manquaient pas, la diversité de vues dans une Europe à 25 ne facilite pas le progrès dans un domaine où l’unanimité est la règle.

La politique étrangère commune fonde son autorité sur l’existence de moyens crédibles. C’est pourquoi la Présidence luxembourgeoise s’est appliquée à renforcer la capacité opérationnelle, à la fois militaire et civile, de la PESD et à mettre en oeuvre une stratégie pour combler les lacunes. Pour faire face aux défis et pour être en mesure de contribuer à la gestion de crises dans le futur, nous avons poursuivi et renforcé le processus de développement des capacités à moyen et à long terme.

Je suis très satisfait de voir que l’Union européenne disposera sous peu d’une capacité de réponse rapide, basée sur treize groupements tactiques nationaux ou multinationaux. L’Union européenne envisage d’avoir, à partir de janvier 2007, la pleine capacité d’entreprendre en concomitance deux opérations de réponse rapide impliquant un groupement tactique, y compris la capacité de pouvoir lancer ces deux opérations presque simultanément. 

Mais, pour pouvoir réagir rapidement, il faut accélérer les processus de prise de décision et de planification européens et nationaux pour les opérations de réponse rapide de l’Union européenne. Au niveau européen, nous venons, sous notre présidence, de mettre en place des règles pour assurer que ce processus de prise de décision pourra être conduit dans un délai de cinq jours entre l’approbation du concept de gestion de crise par le Conseil et la décision de lancer une opération. Au niveau national les Etats membres se sont engagés à réviser leurs procédures de manière à pouvoir répondre à la demande de l’Union dans le délai le plus court possible. Il s’agit de trouver des mécanismes rapides tout en maintenant évidemment le contrôle parlementaire préalable national là où il est requis.

Nous avons également progressé dans la mise en place de l’Agence européenne de défense. Il faut encourager l’Agence à poursuivre la mise en œuvre de son programme de travail.

J’attache aussi une grande importance aux instruments civils pour la gestion des crises. Le renforcement des capacités civiles constitue une amélioration indispensable pour l’approche intégrée de l’Union. Prévenir des crises  exige aussi de consolider l’Etat de droit. Le projet EUJUST Themis en Géorgie, que j’ai pu visiter durant notre présidence me semble, à cet égard un projet intéressant et utile qui pourra servir d’exemple ailleurs.


Mesdames et Messieurs les députés,

L’action européenne ne pourra pas être isolée. L’Europe doit agir de manière solidaire, avec ses alliés, en particulier dans le cadre du partenariat stratégique qui lie l’Union aux Etats-Unis d’Amérique. Les relations transatlantiques sont beaucoup plus qu’une simple alliance d’intérêts. Elles relient une communauté d’Etats qui souscrivent à des valeurs fondamentales, des idéaux et des intérêts communs. L’Europe et l’Amérique du Nord partagent leur histoire et leur culture.  Une Europe forte, démocratique et prospère est un gage de sécurité pour les Etats-Unis.  Dans un monde interdépendant et face aux nouvelles menaces, nos actions pour la stabilité, la démocratie et la liberté doivent être coordonnées et complémentaires. Sous la Présidence luxembourgeoise, nous avons pu améliorer sensiblement la nature des relations transatlantiques, notamment dans le domaine des questions de sécurité intérieure et de défense. Mes rencontres à Washington et à Bruxelles avec les ministres américains de la Défense, de la sécurité intérieure et de la Justice ont contribué à renforcer notre coopération.

Dans le dialogue en matière de sécurité, nous avons aussi veillé à continuer la coopération indispensable avec la Russie. Face à des crises internationales, face au crime international, face au terrorisme international, seule une coopération renforcée peut nous conduire au succès.

La Présidence luxembourgeoise a attaché une importance particulière à la lutte contre le terrorisme international et elle a veillé à coordonner sans cesse la politique extérieure de sécurité de l’Union et les politiques menées dans le domaine de la Justice et des Affaires intérieures. Ma double casquette de ministre de la Défense et de ministre de la Justice m’a aidé à atteindre cet objectif.

Je note aussi avec satisfaction qu’au cours de la Présidence luxembourgeoise, l’Union a élaboré un document générique sur les normes de comportement applicables à toutes les catégories de personnel impliqué dans les opérations PESD, qu’il soit militaire ou civile. C’est essentiel pour assurer que nos soldats sur le terrain, qui accomplissent des missions difficiles, soient des représentants dignes de notre continent et de nos valeurs dans le monde.


Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs,

J’ai pu constater en novembre déjà qu’il existe un accord très large entre les orientations politiques dont je vous ai fait état et celles énoncées par votre Assemblée. Vos  travaux ont contribué de manière significative à modeler l’Europe de la sécurité et de la défense. Cette dimension nouvelle de la construction européenne qu’exige la menace terroriste, la prolifération des armes de destruction massive et la prévention et la gestion des crises régionales doit pouvoir s’appuyer, en démocratie parlementaire, sur des opinions publiques convaincues de sa nécessité. Les votes français et néerlandais, si besoin était, nous l’ont rappelé.

Contrairement à ce que j’entends parfois, le nouveau traité constitutionnel n’entraîne pas une militarisation de l’Europe. Nous avons tous des armées. Mais c’est plus efficace et moins coûteux si elles travaillent ensemble. C’est cela notre objectif. Et il est nécessaire d’avoir des forces armées réformées qui puissent agir rapidement dans un environnement qui au cours des dix dernières années a changé de fond en comble. Car il s’agit de prévenir les guerres ou d’arrêter les conflits, de défendre les valeurs fondamentales auxquelles nous croyons et d’assurer la stabilité. Il faut refuser l’égoïsme qui consiste à ne s’occuper que de ce qui se passe dans son voisinage immédiat, c’est même dangereux dans un monde interdépendant.

Ce débat est aussi le vôtre. Je tiens à saluer ici la détermination avec laquelle vous avez depuis toujours contribué à promouvoir la sécurité et la défense européennes. L’Assemblée et ses parlementaires constituent un lien privilégié entre la politique et le public. C’est donc ensemble qu’il faudra s’engager pour mieux communiquer, pour mieux faire passer le message que l’Europe est et reste un instrument indispensable de paix, de stabilité, de liberté, de prospérité et un modèle de développement économique et social. Notre engagement commun pour la stabilité et la sécurité, garants de la paix et de la liberté, à travers notamment une politique crédible de défense européenne, valait bien, je crois, le détour devant votre assemblée en fin de présidence luxembourgeoise.

Je vous remercie.



Dernière mise à jour de cette page le : 14-06-2005

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