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[Luxembourg 2005 Présidence du Conseil de l'Union européenne]
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Discours
"L’Europe, symbole des droits fondamentaux ", discours du président du Conseil Justice et affaires intérieures sur la création de l'Agence des Droits fondamentaux de l'Union européenne

Date du discours : 25-01-2005

Lieu : Bruxelles

Orateur : Luc Frieden

Domaine politique : Justice et Affaires intérieures


Monsieur le Vice-président,

Monsieur le Président de la Commission des Libertés civiles,

Mesdames, Messieurs,


Permettez-moi, tout d'abord, de remercier le Vice-Président Frattini de m'avoir invité à co-ouvrir cette journée d'audition consacrée à la création de l'Agence des Droits fondamentaux de l'Union européenne.

Elle me donne l'occasion, comme Président du Conseil "Justice et Affaires intérieures" -et peut-être devrais-je dire, pour m'aligner sur la nouvelle dénomination du portefeuille du Vice-Président Frattini, Conseil "Justice, Liberté et Sécurité"- de confirmer l'importance particulière que le Conseil, et en particulier la Présidence luxembourgeoise, attache à la défense et à la promotion des droits fondamentaux, tant au sein de l'Union que dans les pays tiers.

L’Europe est symbole des droits fondamentaux.

J’étais dimanche dernier en Ukraine à l’inauguration du nouveau président. J’y ai vu l’aspiration des Ukrainiens vers l’Europe, tant au niveau des hommes politiques qu’au niveau de la population. Les Ukrainiens m’ont dit : " Pour nous l’Europe, c’est la démocratie, c’est l’Etat de droit, ce sont les droits fondamentaux ". Cela montre que nous avons une responsabilité particulière pour défendre les droits fondamentaux, chez nous comme dans les pays tiers.

Cette semaine-ci, nous commémorons la libération du camp d’Auschwitz, symbole d’une idéologie raciste qui a conduit à des centaines de milliers de morts. C’est un devoir envers ces victimes de continuer à lutter en faveur de la défense des droits fondamentaux.

Certes, les pères du traité instituant la Communauté économique européenne n'avaient pas formellement prévu qu'en exerçant leurs compétences, les institutions de la Communauté étaient tenues de respecter les droits fondamentaux : le projet était essentiellement économique.

 Il a fallu attendre la fin des années soixante et l'arrêt Stauder (1969) pour que la Cour de Justice des Communautés européennes -pressée par les Cours constitutionnelles italienne et allemande qui menaçaient de contrôler la compatibilité du droit communautaire avec les droits fondamentaux prévus dans leurs constitutions- ne proclame que "le respect des droits fondamentaux de la personne humaine fait partie des principes généraux dont la Cour assure le respect". Dans la suite, la Cour de Justice s'est inspirée des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres ainsi que de la Convention européenne des Droits de l'homme et des libertés fondamentales pour identifier et déterminer la portée de ces droits fondamentaux.

Même si la Cour de Justice a été le précurseur, les responsables politiques ont entériné cette jurisprudence dans le traité de Maastricht.

Le Conseil a par la suite pris des initiatives très concrètes qui ont eu leur reflet dans les traités successifs,

-à Amsterdam l'extension des compétences de la Cour de Justice dans ce domaine, ainsi que l'instauration d'un mécanisme de sanction à l'égard d'un Etat membre qui violerait de manière grave et persistante les principes qui fondent l'Union,

-à Nice  la proclamation de la Charte des droits fondamentaux et

-à Rome, le 29 octobre 2004, l'intégration de cette charte dans le traité constitutionnel, ce qui lui donnera un caractère contraignant.

Ceci me permet de dire qu’un " Oui " à la Constitution européenne est aussi un " Oui " au renforcement des droits fondamentaux dans l’Union européenne. C’est un aspect dont nous parlons trop peu lorsque nous discutons de la Constitution européenne. La Présidence luxembourgeoise y attache une grande importance.

La défense des droits fondamentaux doit être vue en parallèle avec l’approfondissement de la construction européenne. Nous avons communautarisé les matières de l'asile, de l'immigration et du contrôle des frontières et assigné à l'Union l'objectif de devenir un espace de liberté, de sécurité et de justice, dont les droits fondamentaux sont un élément important.

Cette marche en parallèle se retrouve pour la coopération judiciaire pénale qui par la Constitution européenne sera renforcée au même moment que nous donnons un caractère contraignant à la charte des droits fondamentaux.

C’est cet équilibre que nous recherchons dans l’approfondissement de la construction européenne.

Le Conseil est en faveur de cette Agence des droits fondamentaux. Puis-je rappeler que ce sont les représentants des Etats membres, qui, réunis au sein du Conseil européen de décembre 2003 à Bruxelles, ont décidé d’élargir le mandat de l’Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes de Vienne afin de le transformer en une Agence des Droits Fondamentaux.

Bien entendu il faut discuter des missions, des compétences, de la composition de cette Agence. C’est pour cela que le Conseil salue l’initiative de la Commission de mener un débat très large sur cette Agence.

La décision de créer l’Agence des droits fondamentaux s'inscrit dans une évidente continuité avec les objectifs assignés à l’Observatoire dont le rôle majeur est de donner aux institutions communautaires les moyens de s’acquitter de l’obligation de respecter les droits fondamentaux.

Je ne vais évidemment pas vous exposer les vues du Conseil, celui-ci n'ayant pas encore pris position. Je me contenterai, dans le court délai qui m'est imparti, de vous faire part de quelques réflexions personnelles en tant que président en exercice du Conseil JAI sur quatre questions qui me paraissent centrales :


1. Les missions de l'Agence :

Permettez-moi de commencer par indiquer ce qu'à mon estime l'Agence ne devrait pas être appelée à faire.

Il ne paraît pas prioritaire que l'Agence ait pour mission de contrôler le respect des droits fondamentaux par les Etats membres. Les mécanismes de contrôles existants, notamment ceux qui ont été développés au sein du Conseil de l'Europe et au sein des Etats membres, y pourvoient de manière satisfaisante. Il ne faut pas faire double emploi avec les mécanismes déjà en place.

 Il ne paraît pas non plus nécessaire que l'Agence soit investie d'une forme de contrôle "normatif" de l'action de l'Union européenne en matière de respect des droits fondamentaux. Celui-ci revient, au plan politique, au Parlement et, au plan juridictionnel, à la Cour de Justice des Communautés européennes.

Je vois plutôt l'Agence investie de la mission de recommander -sur la base d'un examen des législations et pratiques nationales- aux Institutions de l'Union les initiatives à prendre en matière de droits fondamentaux afin de réaliser au mieux les objectifs que leur assignent les traités (la réalisation du marché intérieur, la réalisation d'un espace de liberté, de sécurité et de justice, notamment).

Permettez-moi d'illustrer ceci à l'aide de deux exemples :

-Le Conseil est en train de discuter une proposition de décision-cadre, sur les garanties minimales à assurer aux inculpés dans le cadre des procédures pénales, décision-cadre à laquelle la Présidence attache une grande importance. Il y va des droits fondamentaux de nos citoyens. Cette proposition est destinée à la réalisation du programme de reconnaissance mutuelle. Les juges appelés à exécuter des mandats d'arrêts européens auront d'autant plus confiance dans la qualité des décisions émises dans d'autres Etats membres qu'ils sauront que celles-ci ont été soumises au respect de garanties procédurales minimales communes. On aurait pu s’imaginer que l’agence soit à l’origine d’une telle décision-cadre pour s’assurer que les droits fondamentaux, les droits des suspects, les droits des victimes soient assurés.

-A mon initiative, le Conseil va reprendre incessamment la discussion du projet de décision-cadre sur le racisme et la xénophobie dont l'avait saisi la Commission il y a plus de deux ans de cela. Je pourrais très bien m'imaginer qu'une telle législation soit recommandée par l'Agence des droits fondamentaux, au terme d'un examen des législations pénales nationales qui fasse apparaître une trop grande diversité, au sein de l'espace de liberté, de sécurité et de justice, de la manière dont sont incriminés les propos négationnistes, l’utilisation de symboles nazis etc.

Pour nous, cette agence doit avoir le rôle de collecter des informations, et d’analyser ces informations avec comme objectif de pouvoir formuler des recommandations. Cette agence doit avoir un rôle proactif. Il ne faut pas qu’elle demande simplement aux Etats membres de lui fournir des rapports, mais qu’elle ait un rôle actif d’analyse et de proposition.


2. Les relations avec le Conseil de l'Europe :


Il va de soi -et je rassure à cet égard nos amis du Conseil de l'Europe- que le Conseil de l'Europe est et doit rester l'institution de référence en matière de protection des droits de l’homme. Cette prééminence a été reconnue tant par la charte des droits fondamentaux que par le traité constitutionnel. Il ne s'agit pas d'établir des mécanismes concurrents à ceux du Conseil de l'Europe qui ont démontré leur efficacité. Il s'agit, comme le suggère la Commission dans son document de consultation, de compléter le dispositif existant au sein de l'Union.


3. Les liens à nouer avec le réseau d'experts indépendants :


L’agence doit nouer des liens avec le réseau d'experts indépendants qui fait un travail remarquable. Tout en maintenant son indépendance, l’agence pourra avoir des échanges avec ce réseau dans le respect des compétences des uns et des autres.


4. L'indépendance de l'Agence :


Comme le relève correctement le document de la Commission, et cela me tient beaucoup à coeur,  il conviendra de concevoir, dans la détermination des structures et du mode de fonctionnement de l'Agence, des règles qui assurent l'indépendance de celle-ci, condition de son impartialité. Une telle indépendance n’est peut-être pas toujours agréable pour les Etats membres et pour les institutions de l’Union, mais elle est importante pour conférer à l’agence une autorité certaine.

" Liberté, sécurité, justice",  nous avons toujours plaidé pour que ces trois volets évoluent en même temps. Trouver un équilibre entre ces trois éléments n’est pas un exercice facile. Cet équilibre, y compris la protection des droits fondamentaux, est à la base de l’espace judicaire européen. L’agence y à son rôle à jouer.


Mesdames, Messieurs, je formule le souhait que vos débats nourrissent les réflexions de la Commission, de sorte que celle-ci puisse saisir le Conseil d'une initiative législative en mai prochain, comme elle s'y est engagée.

Je puis vous assurer de la détermination de la présidence luxembourgeoise de la mettre, sans délai, à l'examen du Conseil.




Dernière mise à jour de cette page le : 25-01-2005

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