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[Luxembourg 2005 Présidence du Conseil de l'Union européenne]
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Discours
Discours de M. Lucien Lux lors de la conférence "Politiques en matière de changements climatiques : la vision de l'Europe” organisée à la Brookings Institution - 18 avril 2005

Date du discours : 18-04-2005

Lieu : Washington (USA)

Orateur : Lucien Lux

Domaine politique : Environnement


M. le Vice-Président,

C'est un grand plaisir et un honneur pour moi d'être reçu à la Brookings Institution aux côtés d'éminents orateurs et devant un auditoire remarquable d'institutions, d'industries, de laboratoires d'idées et d'ONG américains.

Les changements climatiques sont l'une des priorités majeures de la Présidence luxembourgeoise de l'Union européenne. Dans ce contexte, nous avons estimé que tout devait être mis en œuvre afin de développer et d'améliorer la communication sur les thèmes, les défis et les problèmes relatifs aux changements climatiques et afin de favoriser les échanges d'idées avec nos partenaires quant à nos positions respectives.

C'est pourquoi je voudrais aujourd'hui consacrer la première partie de mon intervention aux sciences et à leur signification pour nous. Nous sommes tous, à n'en pas douter, diversement familiarisés avec la thématique du réchauffement climatique, et je m'excuse donc auprès de ceux pour qui ce domaine est plus que familier.

Personne ne l'ignore, notre planète se réchauffe et les concentrations de gaz à effet de serre ne cessent d'augmenter. Je ne pense pas que quiconque dans cet auditoire contestera le fait que le changement climatique est, de loin, le défi majeur du développement durable au 21e siècle. Je suis par ailleurs conscient des divergences de vue quant à la façon de traiter le problème. Mais lutter contre les changements climatiques n'est pas une option, c'est une nécessité ! Le coût de l'inaction est élevé. Lancer des actions positives de lutte contre le changement climatique permettra de créer un monde non seulement plus sûr mais aussi plus riche en opportunités d'investissements dans une économie émergente de faibles émissions de CO2 à l'échelle mondiale, et favorisera la compétitivité plutôt que de l'entraver.

Le changement climatique s'aggrave de façon plus vite que prévu. Des modèles scientifiques nous font prendre conscience de l'ampleur des changements climatiques de demain et mettent en lumière la nécessité de réduire de façon drastique les émissions de gaz à effet de serre. Le rapport alarmant du Comité international des sciences dans l'Arctique montre les changements radicaux qui affectent aujourd'hui déjà cette région. Un seul exemple : ces 20 dernières années, la calotte glaciaire arctique a diminué de 15 à 20%.

Même en Europe et aux Etats-Unis, la multiplication des incidents climatiques extrêmes cause de graves dégâts à nos économies et coûte cher en vies humaines. De l'avis de divers scientifiques, les événements autrefois exceptionnels – qui se produisaient une fois par siècle – deviendront la norme dans quelques décennies si les changements climatiques ne sont pas maîtrisés. Les pays en développement seront plus durement touchés que les pays industrialisés, étant donné leur plus grande vulnérabilité aux changements climatiques.

En bref : les changements climatiques sont une réalité. Leurs coûts à l'échelle mondiale sont énormes.

Les 10 années les plus chaudes enregistrées se situent toutes après 1990. Au cours du siècle dernier, les températures moyennes à l'échelle de la planète ont déjà dépassé de 0,6 degrés Celsius les niveaux pré-industriels : c'est là la plus forte hausse des températures depuis plus de 1 000 ans dans l'hémisphère nord. En Europe, la température a même augmenté de plus de 0,9 degrés Celsius. Les incidents climatiques extrêmes tels que les inondations, les tempêtes et les sécheresses sont de plus en plus fréquents et intenses, et s'accompagnent d'impacts négatifs sur les ressources en eau, la biodiversité et la production alimentaire. Les glaciers fondent, la glace de mer et la couverture de neige se réduisent. L’élévation du niveau des mers se poursuit et devrait, selon les prévisions, progresser encore de 88 cm d'ici à 2100, menaçant partout dans le monde les millions de personnes qui vivent aujourd'hui sous ce niveau.

Selon l'IPCC, il faut s'attendre au cours de ce siècle à une hausse des températures de l'ordre de 1,4 à 5,8 degrés Celsius à l'échelle de la planète.

Nous devons éviter ce scénario catastrophe à tout prix. Et nous en avons les moyens. Certes, la lutte contre les changements climatiques a un prix. N'oublions pas, néanmoins, que – de l'avis des scientifiques, et même des compagnies d'assurance –, les coûts de la protection du climat sont dix foix moindres que ceux des dégâts auxquels il faut s'attendre si nous n’agissons pas.

L'Institut allemand de recherches économiques a évalué l'impact économique d'un réchauffement de la planète d'1 degré Celsius seulement à 2.000 milliards USD par an en 2050. Ces montants astronomiques confèrent un autre éclairage aux chiffres fréquemment avancés pour le coût de la protection de notre climat.

Nous faisons aujourd'hui déjà les frais du réchauffement climatique, et il nous faudra nous adapter aux évolutions du climat. Apparemment, la dernière saison d'ouragans en Floride a causé des dégâts évalués à 25 millards d’USD. Ce montant correspond à la moitié des investissements des pays industrialisés en faveur des pays en développement. Dans de nombreuses régions du monde, il est désormais impossible d'assurer les habitations contre de telles menaces.

Comparé aux coûts potentiels des dégâts dûs aux changements climatiques, les coûts de la lutte globale à long terme contre les changements climatiques devraient s'avérer relativement modestes et se limiter au court terme. Mais ces coûts seront fonction des signaux clairs des gouvernements pour le long terme.

Que pouvons-nous faire ? L'UE, à l'instar des USA, est déjà passée à l'action. Et avec l'entrée en vigueur du Protocole de Kyoto, nous disposons pour la première fois d'un instrument juridique international contraignant et d'objectifs de limitation et de réduction des émissions de gas à effet de serre pour les pays industrialisés. Les Etats membres de l'Union européenne et la Commission mettent tout en œuvre en vue de respecter leurs engagements de Kyoto, à savoir réduire les émissions de 8%. Dans son rapport  "Atteindre l'objectif communautaire de Kyoto", publié fin de l'année dernière, la Commission  évalue à 9% la diminution des émissions de gaz à effet de serre dans l'UE-25 par rapport au niveau de l'année de référence 2002, et à 2,9% dans l'UE-15 (la "bulle européenne" dans le contexte du Protocole de Kyoto). L'UE projette atteindre ses objectifs grâce à la mise en oeuvre efficace de politiques et de mesures existantes et nouvelles, déjà planifiées, et à l'application des mécanismes du Protocole.

De nouvelles initiatives, telles que le système UE d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre (ETS) lancé cette année, permettront de réduire plus encore les émissions. Le système ETS de l'UE est une pierre angulaire de la stratégie européenne de lutte contre le changement climatique. Ce programme, le plus ambitieux au monde en matière de gestion environnementale, permettra la mise en place d'outils de contrôle de la pollution valant potentiellement des dizaines de milliards d'euros.

Le système d'échange de quotas d'émission s'applique aujourd'hui à quelque 12 000 installations en Europe et couvre plus de 45% de nos émissions de CO². Il comporte des clauses de révision en vue d'intégrer à l'avenir des secteurs et des gaz supplémentaires.

Concrétiser nos engagements de Kyoto ne suffit toutefois pas. Nous le savons, le Protocole de Kyoto n'est qu'un premier pas. D'autres, nombreux, doivent suivre. L'objectif global de la CCNUCC est de stabiliser les gaz à effet de serre présents dans l'atmosphère à des niveaux qui permettent d'éviter tout changement climatique anthropogénique dangereux. Certes, en décembre dernier, à Buenos Aires, nous avons fait un premier petit pas pour envisager l'après-Kyoto. Nous avons décidé d'organiser un séminaire pour échanger des informations sur les politiques et mesures existantes et sur les actions futures.

Les prochaines années seront décisives. C'est pourquoi notre crédibilité internationale et  le maintien de notre leadership à faire face au changement climatique passent désormais par la réduction des émissions dans l'Union européenne et aux Etats-Unis. Sans ce leadership, nous ne serons pas en mesure de convaincre les pays en développement de prendre des engagements supplémentaires sur le plus long terme. Et nous savons parfaitement que nous ne pourrons gagner la bataille contre le changement climatique si nous n'agissons pas ensemble – au niveau mondial.

La position de l'UE est soutenue par d'aucuns – dont le groupe de travail international sur le changement climatique : il faut éviter un réchauffement planétaire de plus de 2° Celsius. Pour les ministres européens de l'Environnement et le Conseil européen de mars, les conclusions des recherches scientifiques menées récemment et du travail effectué par l'IPCC sont claires : la réalisation de cet objectif de contrôle de la température à long terme suppose que les émissions de gaz à effet de serre atteindront leur niveau maximum au cours des vingt prochaines années pour ensuite diminuer de façon substantielle – de l'ordre de 15% à peut-être 50% - en 2050 par rapport à 1990.

Cet objectif doit guider tous les efforts mis en œuvre à l'échelle mondiale en vue de réduire les risques de changement climatique en application du principe de précaution. Cet objectif a, par nature, une envergure mondiale étant donné qu'il ne saurait être réalisé que par le biais d'une action globale, et non par l'UE seule. Réduire les émissions planétaires exigera, au cours des prochaines décennies, la mise en commun des efforts à l'échelle mondiale et un engagement significativement accru de la part de l'ensemble des pays industrialisés. L'UE veut explorer avec d'autres pays les stratégies possibles de réduction des émissions. Dans ce contexte, nous estimons qu'il convient de considérer pour le groupe des pays développés une réduction des émissions de l'ordre de 15-30% d'ici 2020. Lors du récent Conseil européen de printemps, les chefs d'Etat et de gouvernement ont marqué leur accord pour ces chiffres et adopté le principe des réductions à long terme.

Nous voulons aborder dès que possible l'après-2012 dans le contexte du processus des Nations-Unies sur les changements climatiques et engager avec toutes les parties à la Convention un dialogue commun et ouvert sur les actions futures. Nous devons explorer de nouvelles approches de différentiation entre les parties dans un cadre équitable et flexible, qui offre la possibilité d'élargir et d'approfondir les contributions des diverses parties à la réduction des changements climatiques conformément au principe de responsabilités communes mais différentiées et de capacités respectives.

Permettez-moi de conclure en rappelant les 3 messages clé sur lesquels je tiens, en tant que Président du Conseil Environnement, à mettre l'accent :

1. nous sommes tous d'accord, les changements climatiques sont un très grave problème qui exige une réponse urgente et globale.

2. Des divergences d'opinion persistent de toute évidence entre les parties lorsqu'il s'agit de décider des modalités et des temps de l'action. Se basant sur un nombre croissant de données scientifiques, l'UE a arrêté l'objectif global à long terme d'une hausse de 2 degrés Celsius maximum de la température planétaire. Les données et preuves scientifiques disponibles indiquent en outre que cet objectif global ne pourra être atteint que si les émissions mondiales de gaz à effet de serre atteignent leur niveau maximum au cours des vingt prochaines années pour ensuite décroitre de façon significative.

Bon nombre d'options technologiques de réduction des émissions à un coût raisonnable existent déjà, d'autres exigent d'être encore retravaillées avant de pouvoir s'assurer une position compétitive sur le marché. Nous devons veiller à poser aujourd'hui les justes choix en matière d'investissement afin d'assurer la transition vers des lendemains à faible consommation d'hydrocarbures.

3. Enfin, notre défi commun pour l’avenir proche consistera à nous accorder sur les efforts communs qu'il s'impose de consentir à l'échelle mondiale conformément au principe de responsabilités communes mais différenciées et de capacités respectives. La Conférence des Parties COP 11, qui se tiendra plus tard cette année, devrait être l'occasion d'un dialogue ouvert et constructif. L'Union européenne est prête à assumer ses responsabilités.



Dernière mise à jour de cette page le : 19-04-2005

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