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[Luxembourg 2005 Présidence du Conseil de l'Union européenne]
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Discours
Discours de présentation du programme de la Présidence par M. Jean-Claude Juncker, Président en exercice du Conseil européen

Date du discours : 12-01-2005

Lieu : Parlement européen, Strasbourg

Orateur : Jean-Claude Juncker

Domaine politique : Affaires générales et Relations extérieures

Réunion : Session plénière du Parlement européen


Monsieur le Président,

Mesdames, Messieurs les Députés,

Monsieur le Président de la Commission,

Mesdames, Messieurs,

J'éprouve toujours un grand plaisir de me rendre à Strasbourg, ville européenne par excellence, symbole de la réconciliation franco-allemande, carrefour de rencontre de tant d'ambitions européennes, lieu d'intersection de tant de rêves continentaux. Au plaisir s'ajoute aujourd'hui l'honneur, l'honneur de présenter au Parlement européen, à la représentation élue des peuples d'Europe, les priorités de la Présidence luxembourgeoise de l'Union européenne.

La Présidence luxembourgeoise suit celle de nos amis néerlandais. Il me tient à coeur de rendre hommage à leur travail, à leur ténacité, à leurs succès indéniables. L'Union européenne a réalisé d'importants progrès sous Présidence néerlandaise. Lorsqu'elle sera arrivée à son terme je voudrais pouvoir dire autant de la 11ième Présidence luxembourgeoise qui vient de commencer.

L'expérience de nos présidences antérieures peut certes être utile et précieuse. Mais les présidences se suivent et ne se ressemblent pas. Lorsque je présidai, en 1985, le Conseil des Ministres, les Communautés européennes comptaient dix Etats-membres, lorsque je le présidai en 1991 il y avait douze Ministres autour de la table, lorsque je pris la présidence en 1997 nous étions quinze et nous sommes aujourd'hui vingt-cinq Etats-membres. En 20 années le nombre des Etats-membres a plus que doublé. Evidemment la technique décisionnelle est devenue plus compliquée. Mais quelle joie, quel bonheur de voir l'Union européenne aujourd'hui compter parmi ses membres les pays d'Europe centrale et orientale qu'un funeste décret de l'histoire voulait éloigner de nous à tout jamais!

L'expérience de nos présidences respectives et l'observation des présidences successives des autres m'ont appris deux enseignements:

  • L'Union européenne, d'abord, n'avance vraiment que si ceux qui la président éliminent leurs intérêts nationaux du centre de leurs préoccupations pour les remplacer par l'intérêt commun qui est la meilleure définition de l'intérêt de tous;
  • L'Union européenne ensuite ne trouve sa véritable cohérence voire son harmonie que si tous nous respectons dans son esprit et dans sa lettre la méthode communautaire et l'équilibre institutionnel triangulaire.

La Commission n'est pas un juge de touche qui veille au seul respect des règles du marché intérieur: elle doit être le meneur de jeu, l'inspirateur, la force motrice. Le Conseil n'est pas le terrain de jeu des seuls intérêts nationaux si justifiés qu'ils puissent être, mais un atelier d'entente. Le Parlement n'a pas sa place sur les gradins: il n'est pas spectateur, il est un acteur privilégié parce que légitimé par le suffrage universel. Vous me verrez dès lors souvent dans vos réunions, dans vos bureaux, dans vos couloirs bruxellois et strasbourgeois. Je le dis pour moi, je le dis pour mes ministres, je le dis pour tous ceux qui sont au service de la Présidence et donc au vôtre.

Ensemble nous devrons veiller à la ratification dans de bonnes conditions du nouveau Traité constitutionnel. Certes le projet de Constitution n'est pas parfait. Mais ne le comparons pas à l'idéal. Jaugeons-le à l'aune de ce dont l'Europe aura besoin pour rester demain un exemple pour le monde. Faisons aujourd'hui ce qui doit être fait pour que tel puisse être le cas demain et ratifions le Traité. Ayons à l'esprit que le Traité constitue un contenant qui n'est ni de gauche ni de droite. Son contenu sera le fruit de nos convictions, de notre volonté, de notre ambition. Si notre volonté et notre ambition sont parfaites, l'application du nouveau Traité peut-être imparfait sur le plan théorique connaîtra des succès probablement parfaits en pratique.

La ratification du Traité ne sera pas chose aisée partout. J'ai dans ce contexte un souci majeur: ne faisons pas des difficultés que peuvent poser les ratifications parlementaires et référendaires un prétexte pour réduire notre rythme d'action et notre élan de décision. Ne remettons pas les décisions les plus difficiles au lendemain du premier référendum, puis au lendemain du deuxième, puis au lendemain du troisième et ainsi de suite. Au moment de demander leur approbation aux peuples et aux Parlements d'Europe, prouvons-leur que l'Europe marche, que l'Europe avance, que l'Europe décide et prend ses responsabilités. L'action vigoureuse de l'Union européenne peut emporter les convictions de ceux qui doutent, son inaction peut faire douter ceux qui ne doutent pas.

Monsieur le Président,

Le caractère habituellement solennel de l'entrée en fonction de la nouvelle Présidence a été assombri cette année-ci par la terrible tragédie des raz-de-marées en Asie du Sud-Est. Les images horriblement bouleversantes des morts, des blessés et des destructions se sont posées comme une ombre immense sur la fin et le début des années 2004 et 2005. Longtemps nous aurons mémoire de ce drame et je voudrais qu'au-delà de l'aide d'urgence immédiate nous restions solidaires dans la durée avec les peuples meurtris et les régions dévastées de l'Asie. Je souhaiterais également que nous prenions mieux conscience du fait que la misère qu'aujourd'hui nous voyons en Asie ne fasse pas oublier la pauvreté, le sous-développement, la faim et la mort injuste ailleurs. Nos coeurs doivent être là où les caméras de télévision ne sont plus ou n'ont jamais été.

Monsieur le Président,

La stratégie européenne de sécurité nous invite en effet à promouvoir la paix, la démocratie et la stabilité en luttant contre les causes profondes de l'insécurité dans le monde.

L'utilisation cohérente et intégrée des ensembles des instruments de l'Union sera particulièrement nécessaire sur les Balkans occidentaux, au Proche-Orient, dans nos relations avec la Russie et l'Ukraine ainsi qu'au niveau des relations transatlantiques.

Les Balkans: l'avenir de cette région, toujours traumatisée par son passé récent, doit s'inscrire dans la perspective européenne. L'ouverture des négociations d'adhésion avec la Croatie en mars 2005, une fois que la coopération pleine et entière avec le Tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie aura été confirmée, démontrera à tous les pays des Balkans que leurs efforts de démocratisation seront récompensés et porteront leurs fruits.

Pour les autres pays de la région, le cadre général de l'action de l'Union européenne restera tracé par l'agenda de Thessalonique qui décrit la perspective européenne qui s'offre aux pays des Balkans occidentaux. La Présidence luxembourgeoise poursuivra les négociations avec l'Albanie sur un accord de stabilisation et d'association. Autre rendez-vous crucial dans la région à la mi-2005: l’examen de la mise en œuvre de la politique des standards au Kosovo. Nous prêterons une attention particulière aux développements au Kosovo. Je suis d'avis que quelque soit son statut l'avenir du Kosovo se trouve à l'intérieur de l'Union européenne.

La Russie: la Fédération de Russie est un partenaire stratégique de l'Union européenne et reste un acteur majeur de la sécurité et de la stabilité européennes. Or, l'état de nos relations avec notre voisin russe est aujourd'hui insatisfaisant. Je ferai de mon possible pour y remédier, sans toutefois renoncer à l'essentiel de nos exigences. Au Sommet UE-Russie le 10 mai prochain à Moscou, la Présidence s'efforcera d'aboutir à un paquet équilibré sur les quatre espaces communs définis lors du Sommet de Saint-Pétersbourg en mai 2003 et fondés sur des valeurs communes et des intérêts partagés.

L'Ukraine: l'Union européenne nouera des relations étroites avec le nouveau Président de l'Ukraine, notamment dans le contexte de la mise en oeuvre de la politique européenne de voisinage. Nous avons tout intérêt à avoir comme voisine une Ukraine stable et prospère, une Ukraine avec un fort ancrage démocratique, une Ukraine engagée sur la voie de la modernisation. La Présidence se consacrera minutieusement à la préparation du Sommet entre l'Union et l'Ukraine, prévu sous Présidence britannique.

Les relations transatlantiques: le monde et sa stabilité ont besoin d'un partenariat transatlantique qui fonctionne. Les relations transatlantiques aujourd'hui sont ni mauvaises ni excellentes. Mais à vrai dire leur statu quo n'est pas une option qui correspond aux attentes existantes des deux côtés de l’Atlantique. Il faudra par conséquent améliorer la qualité de nos relations, dans l'intérêt bien compris des uns et des autres. Nous le ferons lors des deux Sommets que nous aurons avec le Président Bush, le premier en février à la demande du Président américain, le deuxième en juin. Nous nous concentrerons non pas sur les différends que certains d'entre nous ont pu avoir avec les Etats-Unis lors du passé récent, mais en essayant de nous mettre d'accord sur une série de questions concrètes auxquelles nous devons apporter des réponses concrètes. Les relations transatlantiques ne seraient pas complètes sans le Canada avec lequel je me réjouis d’avoir pendant ma Présidence un Sommet lors duquel nous discuterons entre amis tous les problèmes d’importance mutuelle.

J’ai par ailleurs le plaisir de pouvoir annoncer la tenue d’un Sommet entre l’Union européenne et le Japon au cours de la Présidence luxembourgeoise.

Enfin, j'aimerais dire un mot sur le Proche-Orient. Avec l'élection, le 9 janvier, du Président Abbas à la tête de l'Autorité palestinienne ainsi que la perspective du retrait israélien de la bande de Gaza, une fenêtre d'opportunité s'est ouverte pour relancer le processus de paix et accélérer la mise en oeuvre de la feuille de route. Il s'agit maintenant de saisir cette chance. Dans ce contexte, j'aimerais saluer la conférence sur le Proche-Orient prévue à Londres au mois de mars 2005. Elle constituera un pas essentiel vers la consolidation du processus de paix.

Le processus d'élargissement de l'Union européenne s'inscrira sous Présidence luxembourgeoise dans le droit fil des décisions prises par le Conseil européen de décembre dernier. Nous débuterons les négociations d'adhésion avec la Croatie au mois de mars. Quant à la Bulgarie et la Roumanie j'espère que le Parlement européen émettra en avril son avis conforme sur l'adhésion de ces deux pays et qu'il nous permettra ainsi de signer les Traités d'adhésion ce même mois.

Monsieur le Président,

Nous n'arriverons pas à rapprocher l'Union européenne de ses citoyens si nous restons incapables de répondre aux attentes justifiées de ceux-ci dans le domaine de la sécurité interne.

Le nouveau Traité constitutionnel trace la voie de la suppression définitive de "l'exception JAI", c'est-à-dire l'intégration pleine et entière du domaine JAI dans la construction européenne par une application sans faille de la méthode communautaire. Les travaux JAI sous notre Présidence s'inscriront dans cette perspective. Notre base de travail sera constituée par l'excellent "programme de La Haye", adopté par le Conseil européen de novembre dernier.

Pour assurer l'accomplissement de l'espace de liberté, de sécurité et de justice, il nous faut "penser européen" avant de "penser national". Nous devons promouvoir le développement rapide d'une culture de sécurité européenne. Cette exigence vaut en particulier pour la lutte contre la criminalité grave et organisée. Faire avancer l'espace de liberté, de sécurité et de justice est à nos yeux un projet essentiel, je dirai même existentiel.

Il faudra d'abord optimiser la coopération opérationnelle entre les Etats-membres. Nous devons, par exemple, rendre possible un échange d'information rapide et fluide entre les services de police et les autorités judiciaires des Etats-membres. Ce "principe de disponibilité" constituera une avancée majeure dans la coopération entre les services de police. La Présidence luxembourgeoise entamera sans tarder les travaux y relatifs. La Présidence désire aussi consolider l'espace judiciaire européen, qui est fondé principalement sur la reconnaissance mutuelle ainsi que le rapprochement des législations. Nous veillerons particulièrement à faire avancer les négociations sur le mandat européen d'obtention des preuves ainsi que celles sur la possible mise sur pied d'un casier judiciaire européen. La sécurité européenne sera renforcée. Elle ne le sera pas au détriment des libertés publiques qui font partie de la façon européenne de vivre ensemble.

La lutte contre le terrorisme doit constituer une priorité permanente. Je salue dans ce contexte l'initiative espagnole de réunir en mars les Chefs d'Etat ou de Gouvernement à Madrid. La Présidence luxembourgeoise mettra un accent particulier sur la lutte contre le financement du terrorisme.

Pour ce qui est du volet de l'asile et de l'immigration, la Présidence se concentrera sur trois points: le renforcement des partenariats avec les pays d'origine et de transit; la mise en place d'une approche harmonisée en matière de politique de retour et de réadmission; et le lancement au 1er mai des travaux de l'agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures.

Monsieur le Président,

Nous faisons, et à juste titre, souvent référence à l'Europe des citoyens. Il ne faut pas se faire d'illusions: si nous ne réussissons pas à faire de l'Union européenne un espace de travail et de bien-être pour tous, les citoyens s'éloigneront de l'Europe, de son Union et du projet politique qui sous-tend celle-ci.

Pour parer à ce risque et pour redonner à l'Europe sa place économique et sociale nous avions lancé, il y a bientôt cinq ans, la stratégie de Lisbonne. Nous voulions – et nous voulons toujours – faire de l'Union européenne l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, une économie capable d'une croissance économique durable accompagnée d'une amélioration qualitative et quantitative de l'emploi, une économie générant une plus grande cohésion sociale, une économie respectueuse de l'environnement et des ressources naturelles.

Après cinq années de succès mitigés l'heure du bilan intérimaire est venue. Nous le dresserons à l'occasion du Conseil européen de printemps.

  • Il s'agira d'abord de clarifier la finalité de la stratégie qui doit être la nôtre.

La stratégie de Lisbonne, dénomination strictement incompréhensible pour le plus grand nombre, est en fait une stratégie pour la compétitivité, la croissance, la cohésion sociale et la protection de l'environnement. Il s'agit d'asseoir sur des bases solides le bien-être durable des Européens. Il s'agit d'agir aujourd'hui pour  garantir demain l'accès de tous au modèle social européen qui ne doit dégénérer au stade de mythe, mais qui doit rester voire redevenir une réalité vivante pour tous. Si nous voulons garantir un modèle social européen intact il faudra le réformer pour qu'il puisse constituer une réponse à la crise de la croissance, au sous-emploi, à la fragilisation du tissu social, à la perte de compétitivité et de productivité, à la démographie faiblissante et au vieillissement de nos populations. Il est vrai que les Européens n'aiment pas les réformes. Elles leur font peur. Il ne comprennent pas leur bien-fondé. Il faut donc leur expliquer que les réformes que nous envisageons visent à garantir la survie et la viabilité du modèle social européen. Il faut les convaincre que ce sont les réformes retardées qui reviennent le plus cher. Il faut leur prouver que nous avons raison d'agir et que nous aurions tort de subir. Il faut remettre l'Europe sur orbite.

  • Il s'agit ensuite, à l'heure où nous dressons le bilan intérimaire de notre stratégie, de garder ensemble ses trois dimensions: l'économique, le social, l'environnemental.

Je sais bien que l'Europe a un problème de compétitivité qui explique pour une large part sa médiocre performance de croissance et d'emploi. La compétitivité doit être renforcée, oui. Mais elle n'est pas une fin en soi, une prestation neutre qui se suffirait à elle-même. Non, la compétitivité retrouvée qui doit nous permettre de réaliser une croissance plus forte et plus durable doit avoir pour but une plus grande cohésion sociale et un environnement plus harmonieusement équilibré. Alors, de grâce, ne commençons pas un débat infructueux sur la question de savoir s'il faut plus de compétitivité et donc moins de cohésion sociale ou plus de cohésion sociale et moins d'environnemental. Si l'Europe veut être forte elle a besoin de trois choses, de trois choses qui vont ensemble: une meilleure compétitivité, une plus grande cohésion sociale, un environnement écologique mieux équilibré. Je dis oui à la compétitivité, je dis non à l'abandon de nos ambitions sociales et écologiques. Je dis oui à l’ouverture des marchés de services. Je dis non au dumping social dont certains voudraient la faire accompagner.

  • Il s'agit enfin de réfléchir à la bonne méthode pour garantir le succès de la stratégie.

Après cinq années de navigation entre succès et échecs, la question n'est pas tant de savoir ce que nous devons faire – en fait nous le savons -, la question est plutôt de savoir comment il faut faire ce que nous devons faire. Nous devons réaliser l'espace européen de la connaissance, augmenter l'effort de recherche, améliorer nos systèmes éducatifs, mieux apprendre tout au long de la vie. Nous devons le faire. Mais comment le faire?

Nous avons un nombre trop important de processus. Nous avons les grandes orientations de politique économique, les lignes directrices pour l'emploi, la stratégie sur le développement durable, la stratégie du marché intérieur, la charte sur les PME, le processus de Cologne, celui de Cardiff et j'en passe. Tous ces processus très souvent se sont enlisés dans des procédés bureaucratiques qui ne nous mènent nulle part. L'Union européenne ressemble plus à un bureau d'études, un bureau d'études non utilisées qu'à une fabrique d'idées applicables et appliquées. Nous devons changer cela en rationalisant notre stratégie.

  • Notre stratégie est essentiellement européenne, sa mise en oeuvre doit d'abord être nationale.

Nous voudrions que la stratégie reste essentiellement européenne. Elle doit être globalement revue tous les deux ou de préférence tous les trois ans. On ne peut changer de stratégie tous les six mois, de Conseil européen en Conseil européen, au gré et au hasard des présidences et de leurs inspirations successives. La stratégie doit s'inscrire dans la durée.

Nous voulons que la mise en oeuvre nationale soit accélérée et concentrée. Nous proposerons que les Etats-membres établissent des programmes d'action nationaux qui mériteraient à être conçus de concert avec les partenaires sociaux et qui devraient être présentés aux Parlements nationaux qui ensemble avec les instances communautaires surveilleraient leur mise en application. Ces programmes nationaux tiendraient compte des spécificités nationales et régionales et devraient permettre de différencier le rythme et l’intensité des réformes nationales respectives, prenant ainsi mieux en compte le niveau de performances d’ores et déjà atteint.

Voilà pour la stratégie et sa méthode d'application. Nous en rediscuterons en détail: vous le Parlement, nous le Conseil et nous deux avec la Commission qui nous présentera bientôt son rapport de synthèse.

Monsieur le Président,

Mesdames, Messieurs,

La réorientation partielle de la stratégie de Lisbonne nous invite aussi à une réflexion sur le pacte de stabilité et de croissance. Nous avons débuté son réexamen sous Présidence néerlandaise, nous voudrions le conclure sous Présidence luxembourgeoise.

Nous allons réformer le pacte. Ou plutôt: nous allons ajuster ses mesures d'application.

Je m'explique.

Je vous expliquerai d'abord ce que nous n'allons pas faire.

L'Union économique et monétaire a besoin de stabilité. Par conséquent nous n'allons pas chasser la stabilité ni de notre vocabulaire ni de notre pratique. La stabilité fait partie du Pacte fondateur sur lequel repose l'Euro. Nous avions promis une monnaie stable. La monnaie restera stable, elle restera forte.

Il en résulte – je préfère le dire d'emblée – que la Présidence ne proposera pas de neutraliser, d'immuniser certaines catégories de dépenses budgétaires dans l'application du Pacte.

Il en résulte que les critères de base – 3 pourcents de déficit, 60 pourcents de dette publique – resteront d'application.

Mais il est à mes yeux évident que des changements s'imposent.

Ils s'imposent notamment pour que le Pacte puisse mieux tenir compte du cycle économique.

En période de forte croissance économique les Etats-membres de la zone euro doivent être obligés à affecter les excédents budgétaires prioritairement à la réduction du déficit et de la dette. Nous enrichirons la dimension préventive du Pacte par une forte dose de stabilité supplémentaire.

En période de faible croissance les Etats-membres de la zone euro doivent disposer de marges de manoeuvre budgétaires plus réactives. Ces marges de manoeuvre seront d'autant plus larges que les efforts de réduction du déficit de la dette auront été plus conséquents pendant les phases d'expansion économique.

Si pendant les périodes de faible croissance un Etat entre en situation budgétaire déficitaire, cette situation et les conséquences qui en découlent seront jugées à l'aide d'éléments d'appréciation objectifs. Il faut à tout prix éviter les jugements politiques arbitraires qui risqueraient de conduire à des appréciations différentes suivant qu'il s'agit de grands ou de petits Etats-membres.

Je nous invite à un débat serein sur la réforme du Pacte. Je mets en garde contre les solutions extrêmes: je dis non à ceux qui veulent remplacer la stabilité par une flexibilité sans bornes et sans limites, je dis non à ceux qui veulent ériger en dogme immuable le Pacte tel qu'il est. Nous avons besoin de plus de stabilité et de plus de flexibilité suivant le moment du cycle économique.

Monsieur le Président,

Vous seriez probablement surpris si je ne mentionnais pas le long débat que nous allons avoir sur les perspectives financières.

Je ne développerai pas devant vous les éléments constitutifs de ce dossier difficile. Vous les maîtrisez mieux que moi.

Je vous dirai simplement ceci:

Nous allons tout faire pour trouver avant la fin juin un accord sur les perspectives financières. Mais je ne me fais pas d'illusions: les Etats-membres se sont enfermés dans des positions à ce point strictes et figées qu'ils auront du mal à les quitter en temps utile. Or le temps utile, c'est maintenant. Si nous n'arrivons pas à nous mettre d'accord sur une position commune sous Présidence luxembourgeoise, nous serons au 1er janvier 2007 dans l'impossibilité législative et technique pour répondre aux défis de l'Union européenne élargie. Par conséquent aucune institution, aucun Etat-membre n'aura intérêt à jouer les prolongations. L'absence d'un accord en juin, ce ne sera pas l'échec de la Présidence. Ce sera l'échec de l'Europe. Alors décidons, décidons vite et décidons maintenant. Epargnons à l'Europe un long débat qui s'étirera sur dix-huit mois, qui multipliera les contentieux et qui alimentera les conflits.

Je compte sur votre Parlement pour faire avancer la prise de décision sur les perspectives financières. Nous travaillerons avec vous parce que votre accord est nécessaire. Vous ne serez pas mis devant le fait accompli, je m'en porte garant.

Voilà, Monsieur le Président, l'essentiel du programme de la Présidence.

Les Présidences passent, l'Europe reste. Nous voulons la servir avec détermination et passion, avec cette détermination et cette passion que requièrent les longues distances et les grandes ambitions.




Dernière mise à jour de cette page le : 11-03-2005

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